On entretient forcément une relation particulière avec son premier 33 tours.
14/15 ans boutonneux à l’époque. C’était au Carrefour Venette qui venait à peine d’ouvrir ses portes – sacré événement dans toute la région compiégnoise ! -. Je poussais le Caddie et je vois encore la phrase sortir de mes lèvres aux abords du rayon magique… « M’man, est ce que j’peux prendre un disque ? »…Culot payant ; elle acquiesça et je me retrouvai comme devant une caverne d’Ali Baba d’où j’étais autorisé à extraire une merveille et une seule. C’est le regard perdu d’un cruel robot qui me fit déposer « News of the world » dans le panier métallique. « Merci m’man ». Ecoute religieuse dès le retour à la maison. Quel choc ! Le rock dans tous ses états s’offrait à moi en l’espace de onze titres. Une émotion intense, un univers fabuleux, des perspectives terribles…Un enfant du rock était né.
Contrairement à ce que ce certains esprits fâcheux se sont plus à colporter, Queen est bien avant tout un groupe de rock, baptisé au hard-rock du tout début des seventies. Brian May (guitariste) et Roger Taylor (batteur) sont des rockeurs patentés. Ce serait plutôt Freddie Mercury qui serait un peu plus touche-à-tout. Prêt à toutes les expériences et à toutes les extravagances, c’est sous son influence que le groupe prend une tournure moins orthodoxe, excitante et déconcertante à la fois – tant dans sa musique que dans son image glam-androgyne - qui donnera naissance aux deux monuments discographiques que sont « A night at the opera » (1975) et « A day at the races » (1976) (variété, richesse des compositions, sophistication de la production, grandes envolées lyriques et symphoniques…Du jamais vu !). Deux monuments fabuleux, fins et précieux, qui virent le jour…en pleine émergence du mouvement punk … qui ne se priva pas de les souiller de ses crachats mousseux (NB : On le sait maintenant : le « God save the Queen » des Sex Pistols ne s’adressait pas à Elisabeth…).
Alors Queen décide de tourner la page et de revenir à quelque chose de plus brut, de plus direct et de plus radical. Et il fait très fort d’entrée, avec ce We will rock you d’anthologie, imparable, puissant et décoiffant qui ouvre leur nouvel album, intitulé News of the world en hommage à un autre de ses pires ennemis, tabloïd anglais de basse extraction. Adieu les pochettes emblasonnées, dessinées par Mercury : ici, c’est F.Kelly Freas (dessinateur américain de BD de SF) qui officie, avec ce robot au regard hagard qui écrabouille la population – et en premier lieu les quatre Queen - dans ses mains d’acier. A faire pâlir d’envie Iron Maiden ! Musicalement, c’est magnifique. Après We are the champions - hymne aujourd’hui encore all over the world – nouvelle agression au rock pur avec un Sheer heart attack…presque punk, puis la délicatesse de All dead, all dead, chanté par May, comme un baume apaisant. Spread your wings a un refrain proche de l’hymne lui-aussi et puis voilà la voix rauque de Taylor sur un Fight from the inside impeccablement asséné. Mi-temps. Et puis Get down,make love, un morceau aujourd’hui encore inclassable, entre disco-hard-core et spatio-sensuo-rock. Sleeping on the sidewalk, boogie dont Clapton n’aurait pas à rougir passe juste avant un Who needs you anecdotique (le morceau le plus faible du disque) qui introduit les presque sept minutes d’un It’s Late très très rock, très très épuré, mais dont l’explosion des chœurs du refrain nous renvoie avec bonheur au passé proche. Le disque se termine sur une magnifique ballade au piano, My melancholy blues, ad libitum…
Un album très fort, très cohérent et dont le succès introduisit Queen en France où il était jusqu’à présent quasi-inconnu (ignoré ?).
C’est ce qu’on appelle un retour en fanfare à la simplicité…