Une chose fascine chez Lana Del Rey : sa propension à paraître à chaque fois plus proche, plus accessible pour, en réalité, se donner comme image, comme icône. Elle est tout entière égale à ce papillon qui thématise la piste 13. La voir, tel un géant sorti de King Kong, parcourir une ville sans détruire son architecture traduit à la fois la puissance de la poésie, donc des mots, et l’artificialité de la gloire qu’ils confèrent à leur poétesse dont le gigantisme n’a, finalement, aucun impact sur le monde. Des mots, toujours des mots, une révolte qui gronde mais qui bat au vent, à l’instar du drapeau américain. D’où la couverture. Norman Fucking Rockwell ! constitue certainement, dans la discographie de son artiste, son album le plus difficile d’accès, en raison de la charge politique qui enveloppe chacun de ses titres et refuse l’enrobage pop qui fit le succès de ses précédentes créations. Les premières plages musicales s’étendent en repoussant au loin toute idée de délimitation ou de durée fixes, marchent d’un pas incertain vers un horizon que l’on sait décliner jusqu’à la nuit noire. Voilà ce qu’est NFR ! : un long et magnifique crépuscule décliné sur quatorze pistes. Lana Del Rey n’a certes pas inventé la mélancolie politique ; mais sa voix lui offre pureté et puissance qui font d’elle une arme contemporaine sublime dont les salves envoûtent l’oreille attentive.