On le sait, Joe Jackson est un grand fan de Duke Ellington et Cole Porter. Mais il adore aussi New York, son effervescence et sa vie nocturne et c’est d’ailleurs là qu’il vit en 1982 quand il sort ce 5e album qui va être son plus grand carton grâce au tube « Steppin’ Out », parfait résumé de la musique pop new wave de cette époque. Mais il donnera en concert des versions plus sobres, parfois juste piano-voix, qui seront fabuleuses et c’est vrai que les orchestrations synthétiques ne sont pas ce qui a le mieux vieilli (d’où l’intérêt des versions live ultérieures). Mais le plus souvent, l’orchestration ne sombre pas dans la facilité du « tout-synthétique » sans quoi cet album, au lieu d’être excellent, aurait tout simplement trop mal vieilli pour être écouté : il utilise de nombreux instruments de percussion (congas, vibraphone…). Sur « Cancer » il nous propose une liste de ce qu’il faut faire pour ne pas mourir d’un cancer (pas de tabac, pas d’alcool, de caféine…). En gros, surveiller ses moindres actes quotidiens et arrêter de vivre quoi ! 😂
Le tout sur un air de rumba entraînant car c’est bien le rythme sous toutes ses formes qui est à la fête dans cet album. Parmi les meilleures chansons de « Night and Day » d’abord « Real Men » où il s’interroge sur ce qu’est un « vrai homme » à la fin du XXe siècle alors que la sexualité est devenue plus libre avec les années 70 et même si certains ont voulu y voir un « manifeste pro-gay » voire un aveu de bisexualité de la part de l’artiste, je crois qu’il demande plutôt à chacun de se demander ce qu’est aujourd’hui être un homme (et à chacun d’y apporter sa réponse). Autre chef d’œuvre final, la ballade « A Slow Song » pour moi une des plus grandes chansons de Jackson et qui, somme « Steepin’ Out » prendra toute sa dimension en concert, souvent en final bouleversant. Il s’agit d’une chanson romantique où un couple danse un dernier slow tard dans la nuit, se terminant par un climax superbe. Après le très bon « Look Sharp » en 79, Joe Jackson nous offrait là ce qui était sans doute son 1er chef d’œuvre d’une carrière riche et variée. En 2000, il sortira un « Night and Day II » en revisitant l’esprit de son album de 82 avec toujours New York en toile de fond, un 2e volume plus sombre, moins « léger » que le 1er. Un artiste éclectique trop peu reconnu voire oublié par le grand public, c'est dommage.