Nightmares Made Flesh par Joro Andrianasolo
Quand l’élite du metal suédois décide de donner vie à sa passion commune pour le death old school, le résultat est un délicieux bain de sang largement à la hauteur des classiques écrits durant la période faste des années 90. Le départ de Mikael Âkerfeldt (avant son come-back surprise quelques années plus tard) n’aura finalement pas diminué l’aura du allstar band, puisqu’il fut remplacé par un autre musicien non moins influent : Peter Tägtgren (Hypocrisy, Pain).
Si le savoir-faire du premier en matière de growl n’a aucun besoin de faire ses preuves, son intérimaire est lui aussi loin d’être un débutant. Mieux même, il laissera une empreinte très particulière lors de cette unique prestation. Plus varié dans son intonation, empruntant davantage au black metal ses cris écorchés (“Year of the Cadaver Race”, “Soul Evisceration”), il donne une dimension nouvelle au Bloodbath de cet album. Et il n’est pas seul, Dan Swanö passant de la batterie à la guitare (mais que diable ne sait-il pas faire ?), quelques solis, encore trop rares sur Resurrection through Carnage, font leur apparition.
Les petites faiblesses inhérentes aux supergroupes qu’on pouvait encore relever dans leur premier album sont désormais gommées. C’est du death de grande classe, sans prétention autre que de faire de la très bonne musique. Ceux qui ont connu Axe chez Opeth ces dernières années vont sans doute être surpris par son jeu hystérique et avouons le, sans grande finesse. Il faut l’entendre blaster comme un possédé sur les titres rapides (“Bastard Son of God”, “Stillborn Saviour”) qui sont d’ailleurs assez nombreux. Un aperçu de son évolution future est néanmoins perceptible sur “Cancer of the Soul”. Sur les autres, il se contente un peu du minimum syndical, dommage, mais pas si important que ça compte tenu du niveau général des compositions (“Brave New Hell” qui nous ballade continuellement entre rythmiques rock et poum tchac véloces).
Blakkheim nous transporte par moments à la grande époque de son Diabolical Masquerade (le riff principal du très bon “Outnumbering the Day”, les claviers d’ambiance qui introduisent “The Ascension”). Reste la basse, plutôt en retrait même si l’on sait le rôle non négligeable de Jonas Renkse dans l’écriture. La vedette revient encore et toujours au vocaliste, monstrueusement haineux, vomissant sa hargne avec une conviction fascinante là où Âkerfeldt paraissait plutôt neutre malgré toute la puissance de sa voix, peut-être en partie parce Tägtgren sonne plus humain.
Il atteint son paroxysme sur le démoniaque “Eaten”. Sur la base d’un fait divers survenu en Allemagne, il décrit les fantasmes d’un homme souhaitant être mangé. Et à l’écouter, on y croit à fond. Seul morceau vraiment lent sur tout l’album, chaque note, chaque son transpire le cannibalisme, on vit le repas cauchemardesque auquel participe ce cher Peter comme si on y était. Cette parenthèse gastronomique achevée, le groupe enchaîne plusieurs titres speed death de haute volée jusqu’au final “Blood Vortex”, un peu mou il faut l’avouer mais loin de diminuer l’érection que l’enchaînement de tueries précédent a provoqué.
Tenons-nous donc l’album de death parfait ? Non… mais nous n’en sommes pas loin, vraiment pas loin… Et dire qu’ils s’autoqualifiaient comme un « drunken side project », ils auraient tant de leçons à donner aux projets « plus sérieux ». Chapeau bas messieurs, vous ne faites pas mentir votre réputation de génies…