Elles nous avaient quitté il y a dix ans de cela, au milieu The Woods. La séparation du trio de Sleater-Kinney c'était un peu le 11 septembre du rock, pour reprendre une métaphore à la mode. Certes, on ne pouvait pas concevoir départ plus mémorable, avec leur meilleur album, qui demeure le plus grand disque de rock de la décennie 2000. Leur absence n'aura pas été complète, car les deux albums solo de Corin Tucker et l'album de Carrie Brownstein et Janet Weiss sous le nom de Wild Flag se sont avérés excellents. Par ailleurs, Brownstein en a profité pour se faire un petit nom en tant que comédienne à la télévision, star de Portlandia ou second rôle dans Transparent. Mais rien ne vaut Sleater-Kinney, comme le prouve No Cities to Love.
Il s'agit d'un rare cas de reformation qui ne déçoit pas. Le groupe culte, l'emblème du féminisme rock, offre un album du même niveau que ceux de son âge d'or. On regrettera juste de ne pas retrouver la production et les audaces de The Woods. Avec le producteur de leurs classiques (Dig Me Out en tête), le trio revient au son qui a fait leur gloire. Pour les réfractaires cela fera beaucoup de guitares qui cisaillent et de hurlements de Corin. Que ceux-là retournent au fin fond de leur grotte, No Cities to Love est un album bien trop génial pour eux. On y retrouve tout ce qui fait la puissance de Sleater-Kinney, dans les textes comme dans la musique.
Bref, c'est du rock, du vrai, du pur, du dur, avec des riffs monumentaux et des refrains qui prennent par surprise. Un des sommets du disque se nomme No Anthems et c'est, bien évidemment, un hymne en puissance. Si les points d'orgue semblent évidents (Price Tag, Surface Envy, No Cities to Love, Bury our Friends, No Anthems, Fade, diantre c'est déjà plus de la moitié du disque...), chaque auditeur aura un morceau préféré différent. Pour chaque jour de la semaine. Tant d'éclat est un peu épuisant, mais ça ne dure que 30 minutes. On en sort électrisé et heureux. On réalise aussi à quel point Sleater-Kinney est au-dessus de la mêlée : huit albums, huit indispensables, rien à jeter. Le titre de plus grand groupe de rock de la planète est déjà revenu entre leurs mains.