Lorsque j’ai découvert Nonagon Infinity, je lisais en même temps La zone du dehors d’Alain Damasio et j’y ai trouvé ces mêmes sensations de fulgurance, d’extériorité salvatrice, et de révolution sans ressentiment ni regard en arrière – une véritable « volution » comme il dit.
Fleuron de la vibrante scène psychédélique australienne, King Gizzard & the Lizard Wizard n’a pas de recettes préfabriquées et se réinvente sans cesse. Son précédent album Paper Mâché Dream Balloon donnait dans le folk psychédélique, tandis que Nonagon Infinity exhale un rock pur jus, ultra concentré, survitaminé jusqu’à menacer l’implosion.
Une fois lancé, rien ne semble pouvoir l’arrêter. Les neuf morceaux s’enchaînent d’une traite, un fil rouge revient, les 41 minutes paraissent étonnamment courtes. Rares sont les groupes qui se risquent dans la voie de l’album-unité. King Gizzard & the Lizard Wizard y parvient, sans tomber dans l’impasse de l’album-concept-à-tout-prix qui trop souvent aliène l’inspiration.
C’est ainsi qu’il brave l’espace-temps, l’univers, propulsé dans une course sans fin qui le ramènera ultimement à son point de départ. Dopé par l’adrénaline, les visions cosmiques, l’ecstasy et l’envie d’en découdre, il se fait Roi en se faufilant comme un Lézard Magique.
King Gizzard tire le meilleur parti des synthétiseurs et des guitares, dont les effets prennent la forme de gris-gris malicieux et éphémères. La section rythmique ne se repose jamais, comme si elle courait toujours après les riffs et les mélodies qui lui filent sous le nez, qui se répètent tout juste assez pour s’inscrire dans le crâne de l'auditeur hébété et laisser place à d'autres perceptions. Des instruments atypiques comme les congas ou le zurna ajoutent de la magie à cette fête riche en couleurs.
Sous l’emprise de sa fièvre créatrice, le groupe de Stu Mackenzie sortira non pas un, pas deux, pas trois… mais CINQ albums l’année suivante.