En Picardie on a pas de neige mais on a de la pluie
En Picardie on a pas de neige mais on a de la pluie. Vos amis vous font une blague. Anesthésie générale. Réveil douleur blanche. En combinaison de ski avec des moon boots aux pieds dans un ancien champ de blé stérile alors que rien ne perce à l’horizon pas un arbre, pas un poteau EDF, pas une ferme, pas un tracteur, pas un homme, que de la terre grise à perte de vue. Pas même un couple de corbeaux ni même un cimetière. Il pleut. Sur une terre. Oubliée des hommes. Le ciel est gris. Gris au pluriel. Un million de nuances de gris et il y a bien une soucoupe lumineuse qui tente de percer la brume mais vous ne savez pas s’il s’agit de l’astre solaire ou de la pleine lune qui cherche à vous envoyer des signes. Ton unidentité se morcelle à mesure que la brume patauge à la surface du cercle. Un million de nuances de gris et autant de facettes de toi qui se font face à face à face aux même faces dans un cauchemar de personnalités parallèles conjointes connexes disruptives dégradées disturbées déconnectées reconnectées rebootées oubliées refoulées carbonisées. Le pire ce ne sont pas les lumières et les ténèbres mais les interstices entre chaque face de toi moi même. Le moment de glissement entre deux fissures. La seule issue est de rejoindre les ténèbres et de se mettre à nu comme un ver et de creuser la terre pour y trouver le grand noir et pour s’y planter comme une graine et repousser sous la forme d’un arbre à l’écorce sombre sans feuille dansante dans le vent. Il n’y a pas de vent. Chaque pleine lune est l’occasion de prendre un peu plus tes aises dans le ciel. Chaque millionième de millionième de nanogramme de nutriment de la plaine est subtilisé pour ta croissance. Chaque pleine lune est l’occasion d'accélérer ta route vers l’espace. Une Puissance sacrifie la Terre pour porter le regard des corbeaux jusqu’à la vision des dernières traces de civilisation.