Ce grand disque de musique hybride, on a bien de peine à croire que ce soit un français qui l'ait créé. Car seuls Nougaro, Gainsbourg et peut-être une poignée d' interprètes francophones étaient capables de tant d'audace et de talent conjugués.
Ici, voyage en territoire soul, jazz et r'n'b dans la plus pure tradition américaine, mais recouvert de sonorités plus françaises, à commencer par les textes géniaux et la voix à l'accent aussi caractéristique du toulousain. La production du disque résume tout ce que les années 80 avaient de meilleur : une définition analogique absolument parfaite, des sonorités juste ce qu'il faut de synthétique pour un équilibre magique entre la dimension synthpop typiquement européenne de ces temps là et le son plus raw et vivant de la musique américaine. Un titre jazz comme "Harlem" vous colle des frissons, tandis que le reste du disque est une machine à tubes : "Nougayork" et "Lady Liberty" en tête.
Et puis saluons l'ambition de l'artiste sur le titre fleuve "Un écureuil à Central Park", odyssée sexuelle et humoristique en trois actes sur un rongeur de Manhattan. La richesse du verbe qui irrigue tout le disque trouve ici un écrin parfait pour les divagations du maître. Indémodable.
PS :
Un type qui écrit quelque chose d'aussi beau que
"Monté monté
J'ai monté sans fin
Monté dans le ventre
Monté jusqu'aux seins
Et dans ses yeux
D'où l'on voit le port
J'ai pleuré toutes
Les larmes de son corps"
Ne peut que mériter mon admiration.