Time for hope
Ce matin, j'ai pas envie de rigoler. Ce matin, j'ai une sacrée gueule de bois. Pas du genre qu'on fait passer en buvant je ne sais quelle mixture miracle, pas du genre qui attaque le foie en même...
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le 14 nov. 2015
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On dit parfois d'un artiste qu'il est à la frontière entre deux genres musicaux. Comme un funambule avec une vue plongeante sur deux gouffres, mais qui jamais ne chute d'un côté ou de l'autre. Si une telle notion existe, Terry Callier a dépassé ce stade. Il tient en équilibre sur une toile d'araignée, dans un big bang d'influences qui éclatent dans sa voix.
Lui, le petit gars de Chicago, pote d'enfance avec Curtis Mayfield, il commence par le blues et la soul. Suffisamment brillant pour ça, il va même sortir un single chez Chess Records à 17 ans. Sauf que plutôt que d'embrasser une carrière musicale immédiatement en partant en tournée avec Etta James et Muddy Waters, il va partir à l'université.
Là-bas, il découvre la guitare, la folk, et John Coltrane.
A partir de là, la musique de Callier va mélanger blues, soul, folk et jazz. Par-dessus cette mixture, il pose une voix calme, puissante, chaleureuse pour porter ses textes au-dessus des nuages à travers un vibrato inimitable.
C'est ce qui lui servira à se faire remarquer par Prestige pour un premier album, The New Folk Sound of Terry Callier, monument d'inventivité, puis par Chess pour trois autres albums. Au début des années 70, Callier diversifie sa palette pour inclure des éléments du disco, toujours en gardant une palette créative rarement égalée.
Après ces quelques albums brillants (incluant par exemple Minnie Riperton dans les choeurs) mais au succès discret, Callier se retire au début des années 80 pour devenir informaticien, afin de subvenir aux besoins de sa fille de 12 ans.
Un trou de 15 ans dans sa carrière. 15 ans sans toucher de guitare.
Puis, au début des années 90, sa musique refait surface dans le coeur du mouvement acid jazz. Quelques DJ remettent son oeuvre au goût du jour, Terry Callier devient alors une figure de ce mouvement, et sort progressivement de sa retraite. Des lives réguliers dans des cafés devant des hordes de fans l'écoutant religieusement, puis des collaborations (Beth Orton, Massive Attack...), de nouveaux albums... La légende renaît de ses cendres.
Une légende qui, derrière la richesse de nouveaux albums (TimePeace, Speak for Your Peace...), s'est avant tout reconstruite sur la scène de cafés, au contact de son public.
Là, quelque part, dans un temps à l'anglaise, sous une pluie fine, un brouillard dense à y voir comme à travers une pelle, un froid à te faire regretter d'avoir sorti ta carcasse de sous la couette, il joue.
Dans la fumée, derrière le néon rouge clignotant péniblement à l'entrée du London Jazz Cafe, la voix de Terry Callier inonde son public. Peu importe le temps à l'extérieur, une chaleur solaire émane de lui. Un génie avec le destin d'un phénix.
Dans ce café, terrain de jeu des géants ordinaires, Terry Callier chasse les nuages, refoule la pluie qui frappe les toits. Il chante de tout son être des chansons que lui seul peut écrire, finement ciselées, sculptées pour sa voix.
Un pied dans la gloire, un pied en enfer, le funambule continue sa route. Et même sa mort ne nous le fera pas oublier une deuxième fois, je serai là, j'y veillerai Terry.
You can lean on me
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Créée
le 19 févr. 2016
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