Odessa
6.8
Odessa

Album de Bee Gees (1969)

Des Bee Gees bien sûr, on retient surtout la période disco qui les a propulsés comme vedettes mondiales. Mais les frangins Gibb existaient bien avant et avaient eu de jolis tubes dans la 2e moitié des années 60 (« Holiday », « I started a joke », « New York Mining 1941 »…) mais pas d’album vraiment marquant alors que, sous l’influence des Beatles, le LP plus que les singles était devenu alors essentiel. Il fallait produire un tout cohérent et pas seulement 2 ou 3 morceaux réussis. Et justement, ce sont même les doubles albums qui entrent dans l’histoire de la musique lors de ces années-là, il suffit de penser au « Blonde on Blonde » de Dylan, le double blanc des Beatles ou encore le « Electric Ladyland » de Hendrix. Les Bee Gees essaient en 1969 eux aussi de sortir leur double LP, histoire de se réinventer et de tenter de sauver un trio qui était en train de se disloquer. L’avenir semblait sombre pour les Gibbs. Robin, souvent mis en avant dans les singles du groupe, voulait tenter une carrière solo, de moins en moins satisfaisait par sa position dans le trio. Barry avait en effet instauré une règle entre eux, à savoir que l’auteur principal d’une chanson en serait aussi l’interprète et sur ce double album, il a en composé plus de la moitié. Robin a alors l’impression d’être mis sur la touche et que c’est l’aîné qui se taille la part du lion, au niveau de la direction artistique et des droits d’auteur évidemment.

C’est un double album qui est gonflé, reconnaissons-le, mais qui n’est qu’en partie réussi, trop inégal et qui part parfois dans trop de directions, cédant à certains moments au remplissage, c’est dommage. Le côté pompeux est parfois lourd à digérer (les instrumentaux grandiloquents « With all nations » et « British Opera » qui conclut l’album et que les Bee Gees ont confié Bill Shepherd même s’ils en ont assuré la coordination…). Il faut être sûr de son coup quand on se lance dans cette aventure musicale et là, ça n’était pas totalement le cas. Avant « Odessa », les titres envisagés pour l’album étaient « An American Opera » puis « A Masterpeace », rien que ça ! Dans le genre modeste, humble, on repassera…Même auprès des fans de la fratrie, cet album divise, il n’y a qu’à lire les différents avis, assez tranchés, on peut comprendre pourquoi. Et cet album ne figure quasiment jamais (ou très rarement) dans les classements des meilleurs albums des années 60, qui en ont connu des palanquées, c’est vrai ! On est donc loin du chef d’œuvre musical ignoré, le « trésor caché », vanté par certains. Ambitieux, certes, mais qui n’a pas forcément les moyens de ses ambitions et qui ne tient pas la distance. Il aurait mérité d’être réduit à un LP simple, en ne gardant que les meilleurs morceaux. Maintenant, ce que l’on entend est de qualité, beaucoup de compositions évoquent le meilleur de la pop de cette époque : essayez de ne pas penser à Lennon en écoutant « Whisper whisper », difficile hein ?! Ou encore The Band sur «Marley Purt Drive ». On pense aussi aux Kinks, aux Byrds, Beach Boys, voire les Zombies pour ce côté pop orchestrale, bref, quelques-uns des meilleurs groupes des années 60 alors aucune honte. En écoutant « Edison », on se dit que les Bee Gees ont aussi pu influencer jusqu’aux Nits quelques années plus tard, impressionnant !

Et puis ce qui caractérise les Bee Gees, ce sont ces harmonies vocales bluffantes, le mariage de leurs 3 voix relève définitivement de la magie et là-dessus, peu de monde pouvait rivaliser. Maurice, lui, est toujours plus discret mais c’est lui qui chante « Suddenly », une des perles de cet album. Pourtant, pas de tube flagrant dans cet « Odessa », à part le 1er extrait, « First of May », sorte de conte de Noël chanté par Barry et sa belle voix alors plus grave que dans les années 70. Ce choix de single va entraîner le départ de Robin dès janvier 69. Rien de bien grave car il reviendra l’année suivante. L’échec n’est pas total, loin de là, l’écoute de cet album se révèle agréable malgré ses longueurs et sa grandiloquence qui pèse sur l’estomac. Mais difficile de créer un chef d’œuvre quand on ne s’adresse plus la parole et qu’on se croise à peine en studio (chacun enregistrant ses voix souvent séparément des 2 autres !). L’échec commercial a été lourd et aurait pu mettre fin au groupe. Barry a été très lucide sur cet échec et a affirmé : « Tout est devenu incontrôlable et nous ne savions pas dans quelle direction nous allions. Nous n'avions jamais vraiment terminé l'album ». Non, ça n’est pas un chef d’œuvre oublié mais c’est sans doute le meilleur album des années 60 des Bee Gees, ce qui n’est déjà pas si mal.

JOE-ROBERTS
7
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le 4 oct. 2024

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