SOPHIE. So « fille » donc, dont le premier album Oil of Every Pearl’s Un-Insides ne devrait laisser personne indifférent. En tout cas, je suis moi-même passé par différentes phases avec ce projet. D'abord l'agacement ; si tout le monde en parle, c'est forcément parce que le personnage trans dans lequel s'est fondu le producteur écossais est soutenu par la communauté LGBT et que ce type de questionnements sur le genre est à la mode depuis quelques années maintenant. « It’s Okay to Cry » qui ouvre l'album a poursuivi cet énervement ; entendre le personnage minaudé ne m'a pas convaincu du tout… Il en fait clairement trop ce qui m'a tout de même poussé à me questionner ; est-ce voulu ce côté grotesque, presque caricatural ?
SOPHIE jouera sur ce genre de malaise tout le long, malaise/mal-être intérieur provoqué par un malaise extérieur encore plus grand ; notre belle société société moderne. C'est le titre « Pretending » qui m'a fait complètement changé d'avis sur cet album ; un cri, une longue plainte électronique, qui tel un « 2001 L'Odyssée de l'Espace » retrace les origines d'un monde, d'un être qui semble aller bien à ses débuts, puis qui évolue dans la douleur, dans la souffrance, que ce soit écologique ou social, des flash-backs de pleurs, de cris, de peurs, de râles viennent amplifier le malaise dans les limbes de ces sphères, on pense alors à cette enfance difficile qui a construit le personnage de SOPHIE. On ne va pas non plus faire dans la psychanalyse mais ça reste fou de pouvoir faire entrer autant de thèmes dans un album de musique électronique…
Quand les titres flirtent avec la Pop, c'est pour mieux la dénaturer. Les voix de femelles sexy des charts sont modulées, modifiées, fondent, meurent de façon angoissante. Les gimmicks piqués au mainstream sont déstructurés et passent par de gros sons Dubstep, Glitch qui tabassent violemment, mixés dans les aigus pour que l'ensemble soit encore plus agressif, cinglant. Les productions numériques ont cette possibilité de salir, de démolir le propre. C'est beaucoup plus intéressant que de faire de l'expérimental que pour l'expérimental. Là au moins, les pistes sont variées, parfois addictives et l'ensemble raconte quelque chose. J'y ai entendu une critique, une auto-critique comme la BO d'un épisode de Black Mirror. Oil of Every Pearl’s Un-Insides c'est ça : un album sur la dégénérescence programmée de l'humanité.
Alors tout ça n'est pas très positif, certes. On n'y croit plus trop au « Whole New World » qu'il/elle essaye de nous vendre à la toute fin. Ce n'est d'ailleurs pas un album que je dresserai dans mon propre panthéon personnel. Par contre, il s'agit sans doute d'un des albums le plus intéressants sortis en cette année 2018, avec le « Double Negative » de Low, dans le sens où ils imaginent un futur à la musique, un futur dystopique.