Om
7.7
Om

Album de John Coltrane (1967)

"Rites that the Vedas ordain, and the rituals taught by the scriptures,
All these am I, and the offering made to the ghosts of the fathers,
Herbs of healing and food, the mantram, the clarified butter:
I the oblation and I the flame into which it is offered.
I am the sire of the world, and this world's mother and grandsire I am He who awards to each the fruit of his action:
I make all things clean
I am OM...


C'est sur une citation d'un passage de textes hindous sacrés de la Bhagavad-Gita que s'ouvre et se referme OM, la piste, le disque.


Une seule piste d'une trentaine de minutes, bloc compact autant halluciné qu'hallucinant.
On ne rentre pas dans OM sans accepter de prendre cette offrande Coltranienne pour ce qu'elle est : un rituel d'un autre monde, d'un autre temps, la possible acceptation totale du Cri Coltranien que cherche Christian Vander de Magma.


Et c'est probablement parce qu'il s'agit d'un disque spécial qui pose volontairement une atmosphère et une mise en scène (la récitation qu'on imagine scandée dans un noir illuminé de quelques bougies, le mur de clochettes dès les premières secondes, comme si l'on accédait à une pièce dérobée...) que je l'apprécie celui-ci avec son ambiance indescriptible.


Autant Ascension (1965), j'ai toujours eu du mal (1), autant ici, tout comme le Free Jazz d'Ornette Coleman, je rentre comme dans du beurre. Un peu comme si Coltrane s'échappait de tout ce qu'il avait théorisé et mis en place avec violence sur Ascension pour se lâcher d'une autre manière ici. Il n'est pas le seul d'ailleurs et l'on sent même le fidèle McCoy Tyner au piano être emporté par la vague, c'est dire. McCoy qui au moment des sessions d'enregistrement en 1965 sent que les nouvelles directions de Trane ne sont déjà plus trop pour lui : on entend même plus le piano selon lui. Il partira bientôt du quartet officiel, suivi de près par Elvin Jones à la batterie.


Pourtant on l'entend bien McCoy ici et alors qu'il sert d'assise rythmique avec la batterie, la surprise est de l'entendre jouer d'une manière presque atonale, dispersant ses notes comme le ferait un compositeur de musique contemporaine. Probablement les deux instruments qui joueraient encore très "classique" dans le fond mais en fait non. Il y a Joe Brazil qui lance les récitations en début et en fin de disque tandis qu'il lance des assauts violents de flûte au milieu, tantôt harmonieux et mourant, tantôt vifs et bruitistes. D'ailleurs de bruits, on croit entendre des cris d'animaux, de bêtes, d'humains... Lancés par les instruments ? Tous unis dans la quête du même cri primal venu du fond des temps ? Non mentionné sur la pochette, Pharoah sanders, l'élève et ami de Trane est aussi venu officieusement s'inviter dans la messe près de son mentor. Les deux sont les maîtres du chaos et atteignent leur apogée vers les 20mn.


Il semblerait qu'à l'époque, Coltrane aurait commencé à prendre du LSD et que toute la session d'enregistrement en 1965 baignait dans l'acide lysergique. Rumeurs, rumeurs, mais citées par plusieurs sources et relatée à l'écrit par Lewis Porter dans sa biographie du maître. Alors vrai ou pas ? (2) A l'écoute du disque il est vrai qu'on pourrait se poser des questions. D'ailleurs ce disque ne sortira pas du vivant de John mais en 1967, peu de temps après sa mort. Un dernier cadeau inédit à ses fans, un sacré cadeau même.


Du free jazz ? Oui mais du free jazz hallucinogène alors, du freejazzpsychédélique (et le tout rattaché hein, comme la musique) !


========


(1) Mais comme on dit, "Faut jamais dire jamais" et je me suis surpris à commencer dernièrement à apprécier Ascension à petites doses. Que m'arrive-t-il ?
(2) Demandons à @Xeres, le plus Coltranien freejazzeur de Sens Critique de trancher la question.

Nio_Lynes
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le 2 févr. 2018

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Nio_Lynes

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