Le voilà donc, le dernier album de Dire Straits. Curieusement, celui auquel personne ne s’attendait. En 1985, Dire Straits, ou plutôt ce qu’il en reste a fini son contrat de cinq albums avec Parlophone, et Mark Knopfler n’a plus aucune obligation vis-à-vis du groupe. Alors évidemment, il continue de perdurer ce bon vieux Dire Straits, d’abord en 1987 à l’occasion du concert des soixante-dix ans de Nelson Mandela ou Eric Clapton vient s’incruster à la guitare rythmique. Ce sera d’ailleurs la dernière apparition de Terry Williams a la batterie qui décidera après ça de quitter le groupe (qui n’aura par ailleurs plus de batteur officiel, simplement des musiciens additionnels comme Manu Katché et Jeff Porcaro de Toto). Après ce concert, Dire Straits, c’est un peu la mort. Mark Knopfler se lie d’amitié avec Eric Clapton et on les retrouve lors de concerts caritatifs tel que Prince’s Trust Rock Gala en 1988 avec dans le tas, Phil Collins, Elton John et Ray Cooper.
Bref, tout ça pour dire qu’une fois ayant atteint son grade de rock star mondiale, ainsi que le statut de grand guitariste, Knoplfer a un peu délaissé son groupe. Car il y a une chose qu’il a bien compris, sans Knopfler, pas de Dire Straits. Et c’est lors d’un déjeuner entre potes que Knopfler propose à un John Illsey tout étonné de refaire un nouvel album.
Dès lors, la machine se remet en marche. Le plus grand groupe des 80’s fait son grand retour à l’aube des 90’s après six années d’absence ! Knopfler regarde tout cela d’un œil blasé, il décide que ce sera le dernier album des Straits, lui, ce qui l’intéresse, c’est la musique.
Et la musique donc ! Parlons-en. Parce que finalement, je contextualise l’album, mais que vaut réellement ce On Every Street ? Et bien c’est sûrement l’album le plus à part dans la discographie du groupe, celui qui sort le plus de la masse. Pas qu’il soit meilleur, mais ses volontés artistiques et les univers musicaux explorés sont bien différents de ce à quoi Dire Straits nous avait habitué. Mais d’un autre côté, je considère presque On Every Street comme étant la continuité de Brothers In Arms puisque les deux ont ce désir de sortir des sentiers battus. Knopfler a cette volonté de sortir de sa zone de confort quitte à se rater à quelques occasions.
Déjà, une remarque que beaucoup ont fait, c’est un album bien plus long. Douze morceaux qui font presque plus de cinq minutes chacun. Knopfler a l’habitude de faire des morceaux longs, mais là, il y en a peut-être un peu trop. Pris indépendamment les uns des autres, chaque morceau est bon, aucun n’est mauvais. Mais les douze à la suite, j’avoue que tout comme pour Brothers in Arms, au bout d’un moment, ça devient compliqué. Rappelez-vous des longues quinze minutes avec Why Worry et Ride Across the River au milieu de Brothers in Arms, et bien on retrouve un peu ça dans On Every Street. Ce moment où tu te dis : « oulah, ça commence à être long ».
Cependant, ce serait ridicule de conspuer sur cet album pour sa simple longueur, car même si l’ennui peut getter à certains moments (Fade to Black puis The Bug), On Every Street renferme beaucoup de surprises. A commencer par son second morceau, la chanson titre qui se divise en deux parties distinctes. L’une au piano avec la voix pesante de Knopfler puis une autre partie instrumentale avec un solo au lap steel guitar vraiment cool et encore plus marquant en live. Vers la fin de l'album, on a également l’excellent Planet of New Orleans qui propose une jolie danse entre un saxophone et la guitare de Knopfler toujours aussi inspirée tout en puisant dans des sonorités jazz. J’aime énormément Iron Hand, Knopfler a les couilles de simplement prendre sa guitare acoustique et de jouer seul, il ne sera accompagné que d’un lap steel vers la fin.
Et puis surtout, il y a You and Your Friend, qui sonne à mes yeux comme un Brothers in Arms bis (le morceau), puisque je lui trouve exactement les mêmes qualités. Une ambiance incroyablement bien posée avec cette introduction au lap steel guitar magnifique, une voix marquante qui envahit vos pensées (à mon sens, jamais Knopfler n’avait aussi bien utilisé sa voix) ; et là encore, un solo final somptueux où le lap steel répond à la guitare de Knopfler en toute symbiose et virtuosité. C’est mon morceau préféré de l’album et là encore, la version live est sidérante d’intensité.
Quant aux autres morceaux, même s’ils ne trouvent pas cette intensité qui fait tout le charme de You and Your Friend ou On Every Street, ils restent tous sympas à suivre. J’aime beaucoup la rythmique de Calling Elvis qui ouvre vraiment bien l’album, pareil pour Heavy Fuel, rythmiquement top avec un refrain qui donne envie de chantonner. J’entends beaucoup qui trouvent Ticket to Heaven et My Parties moins percutants, au contraire, je les apprécie pas mal. Ticket to Heaven a une ambiance vraiment légère, presque idyllique, chose qu’on retrouve peu chez Dire Straits. Quant à My Parties, j’aime beaucoup le saxophone qui domine pas mal.
Enfin voilà, On Every Street, ce n’est pas un chef d’œuvre, loin de là. Il est finalement peu marquant face à un Love Over Gold ou Making Movies, mais pas trop mauvais pour tenir la barre. Moi, je l’apprécie tel quel, avec ses qualités (le lap steel guitar qui se couple très bien au jeu de Knopfler), et ses défauts (des longueurs, encore et encore). Pour un dernier album, il n’est certes pas cette conclusion de carrière grandiose à la Abbey Road ou Blackstar, mais plus un cadeau d’adieu de la part de Mark Knopfler qui s’en va vers une carrière solo plus personnelle et surtout, loin du bordel marketing qui a envahit l’image de son groupe. Personne ne lui en voudra de lâcher Dire Straits, d’ailleurs, le groupe se dissout officiellement en 1995, soit quatre ans après On Every Street et la tournée qui s’en suit.
En sommes, si on devait lier un seul nom à Dire Straits, ce serait évidemment Mark Knopfler. Je déteste résumer un groupe à un seul artiste (ce que beaucoup font avec Queen et Freddie Mercury par exemple), mais pour le coup, c’est le cas. Alors certes, John Illsey s’est toujours tenu à ses côtés, mais finalement, c’est Knopfler qui a tout écrit, tout composé, bref, c’était le patron. Knopfler est de ces musiciens qui écrivent de magnifiques textes, d’incroyables compositions et qui, en plus, font preuve d’une virtuosité incroyable l’instrument entre les mains. Que dire que dire, Knopfler, t’es un génie.
Cette chronique sur les albums studios de Dire Straits est maintenant
terminée, je vais désormais m’atteler aux trois albums live majeurs
qui me permettront d’expliquer de manière plus synthétique l’évolution
du groupe. Bref, Dire Straits, c’est du lourd.