Fans de Pearl Jam, ce n'est pas pour vous
Century Child avait montré une légère évolution dans la musique de Nightwish. En restant dans le même style, le groupe avait su ne pas tomber dans la redite et se renouveler. Disposant désormais d’une large fanbase, il était intéressant de voir si cette évolution allait se poursuivre ou si les finlandais se contenteraient de répondre aux attentes des auditeurs en ne prenant aucun risque, ou carrément revenir en arrière, faisant de Century Child une exception. Autant l’annoncer d’emblée, Once, ultime album avec Tarja dans le line-up, est encore une fois la preuve que Nightwish ne stagne pas et essaie de nouvelles choses, sans pour autant bouleverser la recette qui lui a apporté le succès.
Car dès « Dark Chest of Wonders », on se sent en terrain connu, et cette impression se confirme au cours de l’album. Tarja ne chante plus comme dans Oceanborn, mais son timbre reste reconnaissable, tout comme le son ou le jeu de guitare d’Emppu. Et pourtant, malgré ces repères, quelque chose a changé. On est parfois dans quelque chose de plus agressif, et surtout il y a beaucoup plus d’orchestrations qu’auparavant, les finlandais collaborent d’ailleurs avec l’orchestre philarmonique de Londres est présent sur neuf des onze titres. Le titre phare de l’album, « Ghost Love Score », est particulièrement parlant sur ce point. On savait Tuomas admirateur de la musique de film (notamment Hans Zimmer), cela se ressent dans la composition de ce morceau, très réussi et qui ne s’essouffle à aucun moment malgré plus de dix minutes au compteur, variant tant dans les rythmes que dans les émotions véhiculées, avec des passages qui se veulent grandiloquents, d’autres beaucoup plus calmes. Associant avec justesse les différents instruments, l’équilibre entre le côté metal et le côté orchestral est parfait, sans que l’un gêne ou n’éclipse l’autre. Sur Dark Passion Play, Tuomas ira encore plus loin dans cette démarche, avec une moindre réussite cependant selon moi, et des compositions nettement moins inspirées. Je m’étends sur mon titre favori de l’album (et un de mes préférés depuis ma découverte du groupe), mais il ne faut qu’il occulte les autres qualités de Once, pas plus qu’il ne faut qu’il le rende absolument génial par ailleurs.
Car le reste est plus mitigé, c’est un peu ce qui me déçoit et le sentiment global que j’ai vis-à-vis de cet opus, qui manque un peu d’homogénéité en terme de qualité. On dispose d’autres très bons morceaux (« Dark Chest of Wonders » ou l’excellent « Planet Hell » qui fait des ravages en concert et où le combo Tarja/Marco fonctionne à merveille), mais le reste se révèle au fil des écoutes nettement moins intéressant. Au final, on a vraiment de tout sur cet album. Du bon voire très bon, d’autres titres qui sont assez intéressants et qui essaient de nouvelles choses mais de convaincant qu’à demi (« The Siren » et ses vocalises orientalisantes, « Wish I Had an Angel » et son beat presque techno entêtant mais trop répétitif, ou encore « Creek Mary’s Blood », l’autre grosse pièce de Once, avec la présence de l’amérindien John Two-Hawks, qui a de très bons passages et d’autres nettement moins captivants, le morceau n’arrive pas, à l’inverse de « Ghost Love Score », à maintenir une qualité constante du début à la fin), et enfin des beaucoup plus superflus, moyens, sans originalité ni réelle efficacité. Cette dernière catégorie concerne ce qui reste, avec le trop banal « Nemo », les médiocres « Dead Gardens » ou « Romanticide », ou la ballade lourdingue chantée en finnois dont je vous épargne le nom.
Le résultat de tout ça est donc un album correct mais très hétérogène, associant d’excellentes choses à d’autres sur lesquelles mon avis est nettement plus réservé. Une certitude, Nightwish a choisi d’oser de nouvelles choses et on peut dire au revoir aux fans bornés exclusivement accrocs au duo Oceanborn/Wishmaster et déçus par Century Child. Pour ma part, même si je continue à préférer ce redoutable duo évoqué plus haut, je salue les prises de risques, qui si elles ne s’avèrent pas toujours concluantes, montrent un groupe qui refuse de stagner, au risque de perdre une part de son public. Once a en tout cas été un tournant dans sa carrière à plusieurs degrés : dernier album avec Tarja, reconnaissance internationale décuplée (avec une immense tournée, de nouveaux pays visités, un triple disque de platine en Finlande et de bonnes places dans les charts de nombreux pays, quatre singles pour le promouvoir…), et un côté orchestral plus prononcé et déjà un peu annonciateur des compositions futures de Tuomas. Dommage que Dark Passion Play n’aie pas transformé l’essai en montrant que Nightwish savait proposer à la fois variété et homogénéité…