Only Built 4 Cuban Linx… Pt II par Bobby_Milk
11:00 PM, ça fait une plombe que je poirote seul à cet arrêt de bus, emmitouflé dans ma NorthFace, Beats By Dre sur le crâne. Les rues sont désertes. Le chauffeur doit être dans les bouchons à cause de cette neige qui paralyse la ville. A peine je me décide de partir à pied qu'un bruit strident me fait sursauter comme une victime. Ouf! c'est juste l'indou du coin qui baisse sa grille pas graissée. Alors que j'atteind le bout de la rue, je vois le bus me passer sous le nez. Vénère, je me mets à courir à la Usain Bolt pour atteindre le prochain arrêt. Mais je suis tellement dans mon objectif de rentrer rapidement que j'en oublie tout et notamment de faire attention à cette énorme flaque de verglas qui recouvrait cette plaque d'égout. Ni une ni deux je me retrouve à terre sur le dos, ma tête cognant le sol je perds connaissance...
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Lorsque je me réveille, une main tatouée d'un W entre le pousse et l'index me tend la main et m'aide à me relever. Grosse chaîne autour du coup, bonnet sur la tête, gabarit imposant, dès que mes yeux se sont posé sur son visage j'ai tout de suite reconnu le rappeur Ghostface. Les gens autour de nous semblaient terrifiés et passaient leur chemin tête baissée. Avec cette appréhension d'aborder la discussion avec une star américaine je le remercie d'abord avec une douce timidité et je lui lâche ensuite le plus naïvement possible un "Wassuuup Ghost". Vu sa tronche c'est limite si je l'avais pas insulté ou encore pire que je m'étais trompé de blaze. D'habitude je ne maîtrise pas parfaitement l'anglais, mais comme par magie tout ce qu'il me débitait avec son articulation hachée me paraissait limpide, mon cerveau traduisait automatiquement. Apparemment son véritable nom est Tony Starks, et sans le caché il me sort qu'il fait partie des plus gros trafiquants de cette ville. A ce moment même, je reprend mieux mes esprits et j'essaie de comprendre ce qu'il vient de m'arriver en regardant autour de moi: La nuit est déjà bien tombée sur la city. La demi lune a débarqué avec sa horde de nuages noirs. Une fine neige dite poudreuse s'en échappent encore pour y recouvrir trottoirs et buildings. Les vapeurs et gaz inconnu s'échappant de la zone industrielle colore le ciel d'un voile violet. Un vieux tag sur un banc déclare que "le maire est corrompu jusqu'à l'os". Au loin on peut entendre le craquement des pas pressés de certains hommes rentrant chez eux retrouver leur famille. C'est bizarre, je ne reconnais pas du tout où je me trouve. Tony me sort qu'on est en plein Staten Island, son territoire.
Je lui raconte mes mésaventures, que je suis rédacteur sur un french webzine et que je ne sais pas du tout comment j'ai atterris sur ces lieux. Pas de réaction, j'ai pris son hochement de tête vers le haut pour une réponse amicalement envers moi. Sans me méfier, pensant qu'il ne peut rien m'arriver dans ce monde imaginaire, j'accepte son invitation immédiate qui doit me faire découvrir son deal du moment. Deux rues plus loin j'entre dans sa vieille cadillac dégueulassée par la neige fondue. Au démarrage, un vieux sons des 70's ressort du radio cassette. Je crois reconnaître une mélodie de Barry White mais j'en suis pas certain, en tout cas je me serais cru en plein film de la blaxploitation. "Ça c'est que l'intro, the return of the North Star" me dit-il, "Je vais te présenter les véritables maîtres qui contrôlent ce district". On arrive près d'un studio de tournage totalement délabré, "On y est!" me sort-il. Tout un tas de gens remue dans tout les sens, des caméras, des perches pour le son, des maquilleuses..., tout ça dans cette établissement fissuré de partout, j'avais du mal à y croire. "C'est hollyhood ou quoi ici" dis-je pour détendre un peu l'atmosphère. Impassible, comme s'il ne m'avait pas compris, il me dit "Tiens voila Lex, c'est à lui que tu dois t'adresser désormais, c'est son tournage". En fait je n'aurais jamais l'occasion de lui parler, trop occupé bien sûr, pour ne pas faire le boulet je restais alors désormais dans mon coin comme un simple spectateur de ce qui se déroulait sous mon nez. Tony.... Lex et sa tête qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Raekwon.... C'est comme si j'étais plongé au coeur des albums "Only Buit 4 Cuban Linx..." ou "Iron Man". "Non on est sur OB4CL 2 la!" me sort brièvement un figurant qui remet sous son t-shirt sa poche de faux sang. Putain mais c'est bien sûr! Je suis en plein rêve la, ou en plein cauchemar si on préfère, tant tout ce qui m'entoure parait malsain et lugubre. J'assiste en direct live à la réalisation grandeur nature du nouvel opus de Rae... enfin de Lex Diamond.
Tout le gratin est la, ou du moins va débarquer au fur et à mesure des scènes puisque les chaises à nom des réalisateurs sont encore vide. J'aperçois juste déjà le producteur exécutif Bobby Steels (RZA) parler avec Rollie Fingers (Inspectah Deck) car en plein rodage pour "Black Mozart". Ambiance mafieuse sur un air du parrain, les acteur font leur bizness. Je suis étonné qu'il n'y ai pas que RZA à la réa d'ailleurs comme sur le volume 1. Un assistant m'a révélé par la suite que c'était pour donner une nouvelle dimension à cette suite qu'on attendait tous. Il s'occupe en tout cas d'un "New Wu" glaciale et monumentale, qui s'inspire par la trachée comme la fumée d'un blunt et qui voit l'apparition d'un autre ponte de la famille, Johnny Blaze (Method Man). C'est sous des coups de pétards qu'est conçu ce nouvel hymne au Wu-Tang. Intérieurement je suis tout excité, découvrir tout ça en exclusivité me donnait l'impression d'être important, j'avais comme une fâcheuse envie de faire partager les morceaux sur le net. La prochaine scène se déroule dans une ruelle propice aux dealers et aux arracheurs de sac à main. Rae que tout le monde surnomme The Chef est en pleine discussion avec Tony et Rollie Fingers. Le refrain héroïque de Suga Bang Bang et la production d' Allah Mathematics donne l'impression que ces trois poissons sont invincibles face aux multiples problèmes qu'ils peuvent rencontrer dans les rues de new-yorkaise. Histoire de dingue sur "Sonny's Missing", Lex raconte de sang froid un règlement de compte morbide comme il s'en passe tous les jours dans le monde. Intronisé par un dialogue de "The Killer", je vois à ses pieds une tête détachée de son tronc, un mec qui se fait tiré dans la jambe ou encore une voiture de flic débarquer à la fin du massacre toute sirène allumée. C'est Pete Rock qui se chargeait de ce passage, il réutilise une de ses prods de "NY's Finest" mais il y a tellement d'adrénaline et de suspens dans celle-ci qu'on lui en veut pas.
Un trop plein de violence qui découle ensuite sur un moment bien glauque, limite dépressif, avec la team Icewater aux commandes de "Cold Outside". Magnifique boucle au passage, un western shaolinien ou l'action se déroule en plein coeur des ghettos de la big apple. Lex & Tony continuent ce décorticage millimétré de leur environnement pendant que Suga Bang Bang, AK47 à la main, lâche un larmoyant couplet en haut d'un building comme pour faire entendre sa détresse à la ville. Jusque la j'en prend plein la vue! Raekwon n'a pas changer son fusil d'épaule et malgré les mauvais pressentiments on a pour une fois une suite digne du premier volet. Soudain je sens comme une légère odeur de weed se propager dans les couloirs... Pas celle que les yankees fument mais un parfum bien plus fort qu'on hume souvent en Californie. C'est Dr. Dre qui vient d'ouvrir les portes blindées de son SUV. J'aimerais avoir le même parfum airwick pour ma caisse. Il est venu avec son arrangeur et co-producteur Mark Batson pour filmer ses deux collaborations et ainsi nous faire part du fruit de la courte association de malfaiteur entre Raekwon et Aftermath. L'action est tournée dans une vieille cuisine moisie par l'humidité, des cafards slalom entre les pieds des protagonistes, le seul éclairage est fournis par ces bougies à moitié fondu, Raekwon y lâche ses couplets tout en préparant ses sachets de coke et pendant que des meufs à demi nue compte ses dollars. Busta le rejoint même sur "About Me". Le légendaire maestro de Los Angeles impressionne lorsqu'on l'a en face à face, mais sur le papier il semble de moins en moins inspiré. Pour sûr je me garde bien de leur dire, mais même si ses produits passent tout seul on s'attendait a bien plus que ces vulgaires boucles de piano qu'on connaît par coeur. Petite pause, la plupart de l'équipe du tournage prenne l'air et vont fumer une clope dehors.
"Ces fils de p*tes de fédéraux ne nous lâchent pas d'une semelle bordel!". The Chef est remonté contre ces deux flics planqués dans une vieille camionnette blanche Général Motors. Ils attendent le moindre faux pas ou essaient de détecter la moindre trace de stupéfiant pour faire annuler la réalisation. Un évènement qui n'entache pas la motivation du principal intéressé si l'on en croit le sombre "Surgical Gloves" qu'il vient de débuter avec Alchemist qui a sortis l'artillerie lourde pour marquer le coup. Je me croirait dans Les Affranchis, dans Scarface, dans The Wire, à New-York en plein remake du scénario hongkongais d'Infernal Affairs ou encore dans OZ avec cet échange de taulard sur "Penitentiary". La tension est à son comble, on croirait retourner dans les années 60's pour l'histoire de "Canal Street" avec son beat menaçant. S'en suit alors un défilé de mafieux qui se succèdent un à un pour parler affaire: Jada Montega et Styles Pinero débarque de Yonkers pour être sur "Broken Safety" de Scram Jones, Mack Mittens et Lex parlent sereinement autour d'un bon cigare sur "Have Mercy", tandis que Noodles, Maximillion & Slick Rick encrasse un vieux tube de Queens en "We Will Rob You". Avec les années le Wu-Tang semblait peu à peu en perte de vitesse, essoufflé aussi par le décès d'un de ses pères fondateurs que fût ODB. Leur blaze ne me titillait plus autant l'oreille qu'avant, ça restait énorme mais c'est comme si un cycle c'était écoulé. A force de persévérance, d'infusion intense de kung-fu, de re motivation des troupes par des prolifiques Ghost et Rae, le Clan recolore largement son blason avec ce genre du disque et reprend de la valeur dans le coeur de ses disciples. Marley Marl et Erik Sermon font le minimum syndical sur ce disque, pendant que Necro sue corps et âme pour installé une ambiance à la fois angélique et inquiétante sur "Gihad".
Raekwon voulait absolument de la sauce J Dilla sur OB4CL 2, le définissant même comme un combo de Dr. Dre et RZA. Alors que son ombre plane toujours autant sur le milieu Hip Hop, les archives du natif de Détroit ont finalement pu être utilisé grâce à Busta Rhymes. Ce ne sont que des beats déjà entendu sur de récent projet posthume me dis une assistante. Effectivement "10 Bricks" avec la participation du membre Cappachino me rappelle un sample déjà usé sur l'album Jaylib, alors que le spirituel et profond hommage à Ol' Dirty Bastard ("Ason Jones") se fait une instrumentale déjà dévoilée sur "Jay Love Japan". Non en fait elle a dû se tromper car l'offensive "House Of Flying Daggers" lancée par ces quatre mobsters me semble totalement inédite, du moins du côté du travail de Dilla. Allez une tournée de Donuts est offerte par la maison après ces productions fournies. Je n'avais jamais entendu parler autant de fois de coke dans un album de rap depuis..... disons depuis le volume 1 tiens. Évidemment c'est le sujet de prédilection de Rae et il trouve toujours ces subtilités, ces histoires cinématographiques qui font mouches. Dur de lui arriver à la cheville, d'ou ce final héroïque ("Kiss The Ring") qui signe son retour victorieux. Le tournage est bouclé, tout est dans la boite. C'est vraiment à un long et copieux film de gangster auquel je viens d'assister. Pour les féliciter, avoir deux trois autographes et surtout remercier Tony de son invitation je m'approche du groupe quand soudain j'ai l'impression d'être secoué, comme si on me retenait derrière par le col. Je vois Lex Diamond s'approcher de moi et me dire "Ça va mon gars?", je suis tout abasourdi et je le vois encore me parler mais avec de profonds résonnements "Réveille-toi!", "Tu veux que j'appelle les pompiers?", tout deviens flou devant mes yeux et je vois le noir total.....
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J'ouvre enfin les yeux! Allongez, je tombe nez à nez avec un clochard qui me regarde et qui passait dans cette sombre rue faire les poubelles avec son caddie. "Une chance que je passais dans le coin ou sinon t'aurais finis congelé!" qu'il me balance tout en gesticulant avec sa bouteille à la main. Je me redresse avec quelques courbatures et un violent mal de crâne. Je réalise encore à peine que toute cette aventure n'était en fait qu'un rêve. Le fruit de mon cerveau qui écoutait les pistes de Only Built 4 Cuban Linx... Pt 2 défilées dans mon baladeur durant ma perte de connaissance.