En arpentant la discographie monumentale de Vangelis, je m'aperçois qu'à deux exceptions près (Blade Runner et 1492), je n'ai vu aucun des films dont l'artiste grec a écrit la partition. Et que cela ne me pose aucun problème pour apprécier ces compositions à leur seule et juste valeur. Signe que la musique de Vangelis étend ses propres paysages, développe ses propres histoires, crée ses propres images dans l'esprit de l'auditeur.
Opéra sauvage est l'une des nombreuses créations de Vangelis pour le réalisateur de documentaires Frédéric Rossif (après notamment L'Apocalypse des animaux et La Fête sauvage).
De cet album assez bref (une quarantaine de minutes), on retient avant tout deux "tubes", présents sur de nombreuses compilations du compositeur : "Hymne", qui ouvre le disque, et "L'Enfant", placé en troisième position.
Comme son nom l'indique, "Hymne" est une mélodie majestueuse, plutôt simple et répétitive, qui a donc tendance à rester très vite en tête. Elle s'étoffe au fur et à mesure d'orchestrations qui gagnent en puissance, concluant le morceau sur un final épique, noble et gracieux.
"L'Enfant" joue aussi la carte de la répétition, mais dans un registre différent. Sur une basse rapide, un piano léger égrène les quelques notes d'une mélodie en majeur, qui scotche aussi efficacement qu'un sparadrap au bout du doigt du capitaine Haddock. Un morceau joli et très simple.
Les cinq titres restants, moins connus, n'en valent pas moins le détour. Trois morceaux brefs ("Mouettes" et "Irlande", qui développent des thèmes simples dans l'esprit de "Hymne", et "Chromatique", piqueté d'arpèges à la guitare) répondent à deux longues pièces d'une douzaine de minutes chacune.
"Rêve" le bien nommé étire d'élégantes variations au piano électrique, assorties d'orchestrations discrètes où flottent des cordes aériennes, des sons de synthèse aqueux, une poignée d'effets sonores et de lignes percussives.
Quant à "Flamants Roses", qui conclut le disque, il alterne des passages lents et d'autres plus rapides, rehaussés de percussions et de batterie, qui rappellent - en moins bruyant et un peu moins virtuose - le déferlement lyrique de Heaven & Hell, avant de s'achever sur une ultime rêverie électro-blues, qui annonce pour sa part "Blade Runner Blues".
Si Opéra sauvage ne signale pas spécialement sa qualité de B.O., c'est qu'il est empreint du son si singulier du Yamaha CS-80, LE synthé emblématique de Vangelis durant des années, qui a fini par faire figure de signature sonore d'une grande partie de son œuvre, des années 70 à la fin des années 80.
Contrairement à ce que semble suggérer son titre, Opéra Sauvage est un album assez doux, retenu, évoluant entre nostalgie, joie et mélancolie avec beaucoup de subtilité et de style. Une pépite timide, qui gagne à être connue au fil de nombreuses rencontres.