Dans une volonté désespérée de retour aux sources, Kaaris profane la saga Or Noir en fournissant un 3eme volet ininspiré et inoffensif.
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Pourquoi Or Noir 3 ?
Or Noir, le premier album studio de Kaaris, a fait l’effet d’un coup de poing. L’apparition d’un OVNI dans le rap, précurseur à l’échelle mainstream de la trap en France, en a surpris plus d’un. Kaaris est arrivé avec une rage et une confiance en lui palpable. Sa vie était complètement différente à ce moment-là. Sa carrière venait tout juste de prendre, son nom circulait de plus en plus et les retours étaient dithyrambiques.
6 ans plus tard, à l’occasion de la sortie d’Or Noir 3, tout a changé. Kaaris ne collabore plus avec Therapy, pièce maitresse des deux premiers Or Noir. Entre temps Kaaris a connu le succès commercial avec un son moins orienté trap et plus zumba, notamment avec le tube Tchoin et les auditeurs étaient beaucoup plus informés de ce qu’il avait à proposer.
Kaaris a nommé son album Or Noir 3 afin de susciter une fibre nostalgique chez une grosse partie de son audience. Seulement en faisant ça, il s’offre un coup publicitaire risqué puisqu’il n’a plus les moyens de créer un opus ne serait-ce que du même niveau que les deux précédents. Car il n’a plus Therapy et il n’a plus ce sens de la formule, de la rime et de la punchline imagée qu’il avait auparavant. Et comme anticipé, Or Noir 3 transpire la paresse et la facilité.
« Or Noir 3 », pourtant les sons rappés sont les plus mauvais de l’album
C’est là tout le paradoxe de cet album : Kaaris souhaite revenir à ce qui avait fait sa légende (productions lugubres et lyrics aiguisés) mais ses morceaux les plus notables sont Gun Salute, Golf7r et Détails. Des morceaux chantés, plus aériens et pop, qui sont pourtant beaucoup plus impactants que les sons « rap » sur lesquels il essaie désespérément de réinstaurer une ambiance Or Noir. Les morceaux rappés sont médiocres, il est difficile d’en retenir quoique ce soit de particulièrement bien tourné, les rimes et les phases sont faciles et il n’y a plus les images qui faisaient la richesse de Kaaris.
À vrai dire, l’imagination était un prérequis pour pouvoir pleinement apprécier la musique de Kaaris. Désormais, il n’y a pas vraiment besoin d’être imaginatif tant les lyrics sont peu inspirés et parfois même embarrassants : « Pute ne trouve pas le sommeil, pourtant l’anus porte conseil ».
Chien de sommeil représente également son ininspiration, avec un refrain horrible et sans valeur ajoutée. Octogone, ajouté une semaine après la sortie initiale de l’album, réhausse le niveau d’un album qui était jusqu’ici trop bas. Et même s’il s’agit plus d’une disstrack que d’un véritable morceau, celui-ci détonne de par sa violence, ses paroles très crues et parfois même en-dessous de la ceinture.
De précurseur à imitateur
Même s’il est clair que Kaaris n’a pas inventé la trap, il l’a popularisée en France avec Or Noir et a même apporté une touche différenciante : celle de l’ultraviolence physique, auditive et verbale. 6 ans après, Kaaris n’est plus du tout en avance, il est parfois même en retard.
Tout était écrit est le morceau le plus révélateur de l’épreuve du temps à laquelle Kaaris fait face. Soutenu par un refrain répétitif et fade, Kaaris normalise son flow et celui-ci se veut plus banal, moins lent et n’est finalement plus qu’un flow générique de type rapper. Kaaris se fond dans la masse et abandonne tous les éléments qui faisaient sa singularité. Comme un refrain est également jonché de skurt autotunés à foison.
Cigarette est un peu plus intéressant car la connexion Kaaris/SCH fonctionne bien et que la production est calibrée pour une collaboration de haut-vol. Kaaris n’est pas toujours en maitrise sur des morceaux plus légers comme Dévalisé, où il laisse entrevoir une maitrise très approximative de l’autotune. Cette love song, particulièrement mauvaise, ne contient ni mélodie, ni intonation intéressantes.
Comme dans toutes les trilogies, le 3eme épisode est le moins bon. Comme dans toutes les trilogies, trois péchés capitaux sont commis lors de la conception du 3eme épisode : l’orgueil, la paresse et l’avarice. En choisissant de sortir Or Noir 3, sans avoir le niveau requis pour se prétendre suite aux deux immenses premiers volets, Kaaris commet un péché mortel et renie l’ADN tout entier de la saga Or Noir.
Le résultat : un album écoutable, peut-être même appréciable par moments, mais sans temps fort, sans véritable hit et dont personne ne se souviendra l’année prochaine ou peut-être même le mois prochain.
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