Elevator

Ils ont rien compris les médecins. Tous. Depuis des années maintenant, depuis que j'en ai parlé pour la première fois. Je crois me rappeler que j'ai commencé par l'évoquer à mes parents. C'est eux qu'ont paniqué.

Pourtant je leur avais tout bien expliqué. Et je le réexplique à chaque fois.
Depuis quelques années, je pense que je suis atteint d'une maladie peu connue. L'Otisme. Mais à chaque fois que j'en parle, la méprise guette au tournant.
Pas l'autisme, l'Otisme.

L'Otisme, c'est la fascination pour Otis Redding. Une preuve de bon goût si vous voulez mon avis, mais faut pas que ça dégénère.

Seulement, je pense que c'est trop peu connu. Peut-être une maladie orpheline.
Du coup, à chaque fois on pose les mêmes questions. Est-ce que j'ai des problèmes d'interactions sociales ? Est-ce que je suis particulièrement sensible à certaines sensations ? Le toucher, la vue, l'odorat...

Tout ça, c'est du vent. Enfin, pas tout à fait. Je suis bien sensible à certaines sensations. A une en fait. L'ouïe. Pour être exact, la voix d'Otis Redding.
Plus qu'une fascination, c'est devenu une obsession. Allongé sur mon lit, les notes d'Otis Blue résonnent. Elles martèlent mon crâne, font exploser ses limites. De ma chambre, je vois les étoiles, la voix d'Otis se déploie dans l'infiniment grand, l'univers s'étend.

La force de sa voix ne frappe pas particulièrement, pas plus que son étendue. Mais elle est brute, violente, saignante, sereine. Sa musique vit. Otis donne tout ce que la musique peut offrir. Et ensuite un peu plus.

L'écoeurante chaleur gorge mon étroite chambre. L'émotion, vivace, serre ma poitrine. Otis m'emmène, me prend par la main. Il me parle. Il me guide. Il m'élève.
Pendant ce temps, je suis en transe. Imperturbable, inaccessible, inatteignable. J'agonise dans une lente extase.
Je suis Otiste. Je ne sais pas si ça se guérit. Je ne sais même pas si c'est une maladie. Personne ne peut m'aider, alors je me débrouille.

De toute façon, moi, je ne crois qu'en une solution.
Soigner le mal par le mal.
Ecouter Otis.
Encore.