C’est au bord d’un lac froid, aux rives un peu boueuses, une ombre humaine.
C’est l’odeur humide des débuts de l’hiver en Angleterre.
La terre, les feuilles tombées et le beuglement au lointain d’un bœuf oublié au pré.
C’est une ambiance mélancolique qui vous pénètre sans vous faire vraiment de mal.
La mélancolie, ce petit bonheur triste, indispensable source de réflexion, qui s’accorde si bien aux nappes brumeuses de la mauvaise saison .
Mauvaise saison pour le corps, mais pas pour l’âme des hommes, jamais plus belle que lorsqu’elle cherche à se réchauffer.
Beth Gibbons est une fille de la campagne. Ses parents étaient agriculteurs, du côté du petit port de Portishead, à l’ouest de l’Angleterre. La nature, les saisons représentent pour elle autre chose que de vagues notions temporelles : ce sont les symboles qui donnent à l’humanité toute sa dimension. Une façon simple et imparable de comprendre et de célébrer la vie.
La vie, avec ses moments durs, doux, durs-doux, ses doutes, ses certitudes et tout ce temps qui file inexorablement avec nous dedans ; comme la nature avec ses saisons qui vont et qui viennent, qui viennent et qui vont, ad libitum.
En congés de Portishead, groupe culte de la scène trip-hop ( style musical qu’on pourrait décrire comme un habile mélange de soul music, de jazz et de hip-hop), notre cousine Beth est allée chercher Paul Webb (alias Rustin Man) - un vieux copain qui officia en son temps comme bassiste chez Talk-Talk – pour mettre au point ensemble ce disque semi-acoustique, d’une force et d’une sensibilité saisissantes.
La soul blanche et le tempo jazz sont cette fois subtilement mêlés à des racines folk (musique proche de la nature, s’il en est) pour donner une œuvre bouleversante par l’intensité, la sensualité et la délicatesse qui s’en exhalent.
Des arrangements, des orchestrations tout en nuances, tout en ambiances pour accueillir la voix de Beth Gibbons ; ou plutôt les voix de celle qui visite tour à tour les tessitures de la Marianne Faithfull de Sister Morphine, de Billie Holiday et même de Björk sur le dernier morceau.
Une interprétation pleine de personnalité, de sincérité et d’émotion.
Beau à pleurer trouve enfin sa place dans une chronique. Et comme il va être difficile de quitter la tendre et chaleureuse mélancolie de Out of Season pour passer à la suivante…