Overgrown
7.1
Overgrown

Album de James Blake (2013)

http://daskuma.com/james-blake-overgrown-review-chronique/

Il y a deux ans, alors qu’il sortait son premier album, James Blake nous était présenté comme enfant du dubstep, prince du dubstep même selon certains. Aujourd’hui, dubstep est devenu un gros mot à cause de l’un de ses enfants : le brostep. Cette scène plutôt américaine, consistant en une compétition de basse la plus sale, plus violente et dégueulasse qui soit, puant la testostérone, est devenue la forme de dubstep la plus populaire auprès du grand (jeune) public. Dieu merci, le brostep n’est pas l’unique résultat de l’exploration des sub bass et de la syncope. La peur de la méprise étant bien trop grande, il a fallu pratiquement abandonner le terme dubstep pour parler de post-dubstep, bass music, future garage ou encore de UK garage. Et tant pis si des artistes comme Burial, actifs avant que Skrillex et ses potes n’aient des poils sous les bras, se retrouvent avec l’étiquette post-dubstep.

La musique de James Blake se trouve donc très loin du brostep. Exploitant plutôt sa sensibilité que sa testostérone, il touche un public autant masculin que féminin. Il s’amuse même à reprendre des filles comme Feist et Joni Mitchell. En plus de cette approche sensible, James est également dans une démarche plus intellectuelle.

I was trying to design something that was original, that I hadn’t heard before*.

Ces deux approches l’ont amené à produire des choses très différentes. Si son album éponyme sorti en 2011 était un super cadeau de noël pour ta mère, ses sorties de plus petits formats, généralement sur vinyls, s’avéraient bien moins accessibles, et de loin pas plus mauvais. Avec son second album, Overgrown, il est parvenu à réunir ces deux facettes de son travail. Le titre Retrograde est déjà la chanson préférée de ta maman et il donne tout aussi bien des frissons à ceux qui dansaient en transe sur son remix de Untold en 2009 (ceux-là même qui ne parviennent pas à écouter son premier album en entier sans mourir d’ennui). Et des titres comme Voyeur ou Digital Lion viennent nous rappeler que si James étudiait déjà la musique, c’est ce qu’il a entendu en club qui l’a poussé à composer et produire de la musique.

Overgrown donne son nom et ouvre l’album. « And I want you to know » le texte commence au milieu d’une phrase, musicalement comme littéralement. Comme si on reprenait là où l’on s’était arrêté. C’est la manière qu’a choisi James Blake d’aborder l’exercice difficile du deuxième album. D’autant plus difficile que le premier a connu un très grand succès.

Blake s’est beaucoup amusé à remixer et traite souvent la voix comme un instrument. Il ne compose pas des instrumentations sur lesquelles il chante, sa voix est un instrument comme un autre. Sur Voyeur on entend cette phrase en boucle : « And her mind was on me », une boucle pas toujours carré, pas toujours sur la même tonalité. C’est encore plus évident sur Digital Lion. Des « hmmm » et des « oouuu » sont, par moment, seuls à habiller les percussions. On notera la collaboration de Brian Eno sur ce dernier titre. Autre collaboration : RZA du Wu-Tang Clan sur Take A Fall For Me. Sur ce titre, le beat se déclenche seulement après plus d’une minute. Lorsque RZA scande « Always remember us! ». Ces percussions qui se font attendre laissent une tension s’installer et rendent la fin du titre très puissant. Retrograde est un titre bouleversant, frôlant la perfection. Le rythme est lent et encore ralenti par ces notes qui frappent juste après le beat. La voix est douce pour mieux marquer les moments ou elle est poussée. « I’ll wait« . Une voix réconfortante, mais qui ne laisse pas d’illusions. « We‘re alone now« . Et puis « Suddenly I’m hit!« . On ne sait pas si il est frappé de bonheur, ou mis à terre. Il s’agit de sentiment brut, à peine conscient.

C’est vraisemblablement par l’amour qu’il a été frappé. To The Last, parle d’amour pour la vie. Une fois encore, la voix est retravaillée. « We’re going to the last » est répétée plusieurs fois, mais avec de subtiles différences à chaque fois, avec des jeux de balance et de double tracking. Et puis « If only » est répété en fond sur tout le reste du second couplet. L’album se termine sur Our Love Comes Back, qui s’adresse à son ex, agrémenté de sons Todd Terjiens provenant sans doutes d’un ARP 2600.

Une fois de plus, voici un album qui mérite une bonne chaine HiFi ou un bon casque. Un album plein de subtilités qui mérite plusieurs écoutes, mais vu son caractère addictif, nul besoin d’insister. L’exercice périlleux du second album est plus que réussi ici. Overgrown est nettement meilleur que son premier album éponyme. Est-ce la magie de l’amour? C’est peut être plus simplement que le kid avait 21 ans à l’époque et que, génie ou pas, un peu d’expérience et de travail fait du bien.
TristanI
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le 23 oct. 2014

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