Toute première écoute, je tique : quatre notes s'égrènent dans le silence. Do (valeur de ronde), si bémol inférieur (blanche), la bémol inférieur (blanche), sol inférieur (ronde).
On répète à l'identique, histoire d'être bien sûr. Je re-tique.
Ne serait-ce point là les mêmes notes et valeurs de notes que celles du célèbre "End Credits" de Blade Runner signé Vangelis ?
Jarre, marchant sur les plates-bandes de Vangelis ? Non mais oh !
Alors, oui, c'est vrai, le son utilisé par le Français est pointu, aigu, parfaitement électronique, là où le compositeur grec convoquait des violons vastes et profonds comme une prairie de Sibérie. Pas grand-chose à voir, soyons honnête.
C'est du pinaillage, je sais bien. N'empêche, je tique. Et la suite, je l'écoute avec circonspection, ce qui m'empêche sans doute de juger l'album à sa juste valeur lors de cette première approche.
D'ailleurs, est-il seulement possible de se plier à cet exercice, quand l'album en question se nomme Oxygène 7-13 - annonçant donc sans équivoque une suite au mythique et fondateur Oxygène premier du nom ? Franchement, il fallait oser, surtout à vingt ans d'intervalle. Et encore plus, balancer ce "7-13" quasi provocateur, ou naïf, ou allez savoir quoi, mais étrange en tout cas.
A l'époque, je sors donc mitigé de la découverte du nouveau album de Jarre. Un peu déçu de m'être (bêtement) attendu à un succédané du premier Oxygène et de ne pas l'avoir reçu. Oxygène 7-13 est plus nerveux, plus électronique, plus rugueux. Moins aérien et rêveur. Il ressemble à son époque de parution, et à ce que Jarre est devenu, ou à ce qu'il cherche alors.
Il a fallu du temps pour m'en rendre compte et pour l'accepter. Il a fallu, aussi, des albums suivants de moins en moins bons, pour ne pas dire mauvais ou catastrophiques, pour réaliser que celui-ci était de belle facture. Sincère, traversé de jolies idées de composition, tenaillé par un légitime désir de transgression du modèle original.
Il y a des choses que je ne sauverai guère. "Oxygène 11", dérive pseudo-technoïde, dont les cinq minutes s'étirent en magma indigeste, sans grand intérêt musical. La troisième partie de "Oxygène 9", qui reprend peu ou prou à la note près "Oxygène 1" - un hommage, une citation, je veux bien, mais là, c'est copie conforme, inutile.
Pour le reste, il y a de quoi faire, du bon voire du très bon. "Oxygène 8", le single, sonne jarrien à la perfection en évitant l'auto-parodie, et en donnant le ton général de l'album. "Oxygène 7" peut donner l'impression de tirer en longueur et, c'est vrai, se répète un peu ; mais les timbres sonnent juste, les effets sonores joliment intégrés, et la rêverie finit, après quelques écoutes le temps d'apprivoiser la bête, par être fort agréable.
J'aime pour le reste la furieuse énergie des parties 10 et 12, résolument modernes ; le segment central de la partie 9, étonnamment lyrique ; et la mélancolie simple de la partie 13, qui emporte l'album dans une douce extinction du son et les volutes de vent artificiel si typiquement "Oxygène".
Oui, avec le recul, j'ai fini par admettre qu'Oxygène 7-13 était le digne héritier de son glorieux aîné. Pas aussi novateur, bien sûr, c'était impossible. Peut-être pas à la hauteur, parce qu'on ne reproduit pas deux fois le même miracle. Mais globalement réussi, oui, et traversé de moments magnifiques.
Surtout, c'est le dernier bon album de Jarre avant très, très longtemps. Ce qui le rend, avec le recul, d'autant plus précieux.