Critique de Parrhesia par marjorie11
Ca fait un sacré paquet de notes ! Un poil trop
Par
le 13 nov. 2024
Chers amis de Sens critique ceci est une nouvelle déclinée en épisodes et imprégnée du contexte de la guerre en Ukraine qui pourrait si j'en avais le temps dériver en roman. A chaque séance d'écriture je baigne dans l'écoute du disque (ou du groupe) excellent que j'utilise pour trouver mes mots. Uniquement des musiques explosives. Si vous en avez le temps je serai enchanté de recevoir vos critiques ou plutôt, devrais-je dire vos ressentis, vos avis. Vos conseils seront aussi les bienvenus.
Bien à vous et merci !
Episode 1
La bête était tapie sous les cendres chaudes et fumantes ou derrière la barrière, là-bas ou encore dans l'esprit perturbé de quelque dirigeant en quête de dominance. On ne pouvait être sûr, tout ce que l'on pouvait dire c'est qu'elle était là, elle n'avait jamais lâché son os. Tant qu'il y aurait des Oms elle frapperait se frayant un chemin au cœur de la méfiance, des désirs, de cette faim inextinguible de possessions. Malgré toutes les avancées de la civilisation elle se cachait toujours plus profondément mais inextricable car enracinée dans les systèmes nerveux de tout un chacun. Impossible de s'en tirer sans le concours d'un généticien de génie qui un jour, peut être saurait extirper les gênes pervertis de la survie. Des milliards de têtes, des milliards de possibilités pour renaître. Même en l'être le plus pur elle pouvait, si les conditions se formaient idoines, pousser à nouveau et comme un chancre, une gangrène se propager alentour. Les Dieux du chaos riaient et se frottaient la panse en tétant leurs hanaps de sang frais, leurs gros pieds nus collés au sol par les entrailles odorantes et chaudes.
Les explosions avaient détruit les immeubles, les rues étaient défoncées, les cratères traçaient des lignes pointillées zigzagantes. De loin en loin on apercevait les résidus de quelque mur sale, lambeaux d'une maison où il aurait fait bon vivre si le monde n'était pas si dur et l'inéluctable si inévitable. A travers les brumes méphitiques occultant la lumière le Soleil déclinait comme à son habitude. Pourtant, en ce jour terrible il semblait vouloir se coucher pour ne plus revenir et laisser les Oms à leur triste sort enfouis dans une nuit sans Lune et sans étoiles. Le noir viendrait profond et dense comme une pate gluante dans laquelle on s'enlise. Il ne resterait plus que le rêve et les mondes virtuels si faux mais pourtant si réels pour accompagner la détresse. L'astre de vie peinait à colorer de fines lignes dorées le paysage informe d'une cité désagrégée, annihilée par les coups de marteau d'un gigantesque géant fou. Les rayons, fines lames de lumière, graciles, crevaient malgré tout la vapeur du bombardement évoquant dans leur beauté un espoir improbable. Le silence maintenant régnait sur tout comme s'il avait voulu d'une manière implacable peser sur les débris, symboles d'une civilisation égarée et les enfoncer dans la terre, gommer ces restes, lamentables témoin de la folie d'une espèce dominée par ses pulsions malsaines. Dans ce maelstrom d'éboulis pas un seul corps n'affleurait. C'était toutefois un cimetière sans croix ni Dieu !
Au beau milieu de ce tas informe de décombres calcinés, poutres entrelacées mêlées de plâtres explosés, de fils électriques épars, vaste réseau de vaisseaux sanguins technologiques emmêlant un mobilier obsolète et écartelé un frémissement et quelques voix lointaines assourdies se firent entendre.
Le sol bougeait ou plutôt la couche merdeuse qui le couvrait tremblait imperceptiblement. Lentement avec patience et acharnement des survivants travaillaient, se battaient pour échapper à la tombe des gravats. Depuis une dizaine de jours ils creusaient un tunnel pour quitter le métro qui les avait sauvés. Il avaient pu trouver une sortie et se frayaient maintenant un chemin vers la lumière qu'ils espéraient avec avidité. Le travail était rude pour des Oms qui n'étaient que peu habitués à faire usage de leurs corps. Il fallait déblayer mais surtout étayer une galerie suffisamment haute et large pour permettre la fuite. Souvent le plafond fragile s'effondrait recouvrant une portion qu'il avaient mis des heures à dégager et à renforcer. Pas le choix ils n'avaient pas le choix. Lutter ou mourir ! Tant qu'il restait un peu d'eau à partager et un peu de nourriture, un semblant de force ils gardaient espoir, se relayant avec pugnacité chacun mettant au service des autres la force brute dont il disposait.
Il y avait là un Enseignant replet enclin aux longues lectures qui l'emmenaient au fond de la nuit plutôt qu'aux exercices physiques qu'il trouvait vains et stupides. C'était son tour d'aller au fond, la loi avait été dite chacun devait donner la même part de temps au "front", en "première ligne" à dégager et à étayer. Premier de cordée le poste le plus envié en montagne et peu dangereux quand le corps a été modelé, entrainé et préparé à l'effort qu'il doit accomplir. En revanche premier de cordée au fond d'un "trou" qui faisait maintenant une vingtaine de mètres, cela revenait à jouer à la roulette russe...Quelle ironie ! Son domaine de prédilection c'était l'Histoire et il s'était toujours passionné pour l'étude de l'espèce humaine à travers les âges axant son travail sur la violence fondatrice. Les cruautés et les exactions diverses générées par les dictatures issues des révoltes le passionnaient. Les méandres, les déclinaisons de l'esprit humain épris de pouvoir mais particulièrement ceux des "artistes" révolutionnaires était pour lui un moteur. Il ne pensait pas arriver à comprendre ce qui pouvait pousser des Oms à écrabouiller d'autres Oms. Il ne pensait pas arriver à comprendre pourquoi alors qu'il y avait profusion de tout certains croulaient sous les richesses alors que dans les villes, dans les campagnes de son pays il fallait bosser dur pour avoir une vie décente sans parler de ceux qui n'avaient rien. Il ne pensait pas comprendre quoi que ce soit alors il empilait les documents, cherchant dans le passé, affinant ses connaissances, s'enterrant dans son appartement, se rayant du monde des vivants...pour rien. C'est en creusant comme un mineur qu'il réalisa à quel point il avait perdu son temps en recherches absurdes alors que le Monde était beau et qu'il ne le voyait pas. Au travers de sa barbe embrouillée, sa bouche remua s'ouvrit et lentement il s'affaissa au beau milieu de son travail. Comme un ballon de baudruche qui se dégonfle il glissa vers le sol. Il était "troué". En lui quelque chose fuyait, s'échappait telle une fumée invisible le laissant inerte. Les genoux ancrés dans la poussière il sentit alors en lui une vague amère et ses yeux coulèrent sans qu'il ne puisse rien faire. Il était là bras ballants et les larmes dessinaient sur son visage en coulant sur la poussière grise et épaisse de petites veinules blanchâtres. Pour rien, pour rien, pour rien !
- "Volo ? Que se passe-t-il ?
Quelques mètres en arrière la voix retentit redonnant un peu de fermeté à Volodymyr.
- Rien, Pavel...Rien, ce n'est rien ! Combien de temps encore ?
- Un peu moins d'une heure trente et ce sera fini pour aujourd'hui. On ne peut pas perdre espoir Volo, il y a les enfants, ils ont besoin de nous, on peut le faire. Ressaisis-toi !
Le professeur reprit en peinant, en ahanant, il tint bon pendant ses deux heures. Il creusa, faisant passer à l'arrière les débris, contournant les plus gros, saisissant les bouts de bois et les outils qu'on lui donnait pour renforcer le passage. Curieusement il n'y eut pas d'éboulement, pas de fracas sinistre. Ce n'était pas encore son tour, la mort avait trop de travail ces temps-ci. Peut-être demain ?
Je ne pensais pas qu'un jour je puisse être aussi utile, je ne ne savais que mes mains pouvaient avoir une telle vie, que mon cerveau puisse autant animer mon corps.
Volodymir tout en contrôlant la galerie à l'aide de sa frontale repartit dans le métro pour rejoindre ses camarades. Tous avaient besoin de repos, le travail reprendrait demain.
Episode 2 : https://www.senscritique.com/album/weightless/critique/266878880
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Créée
le 16 mars 2022
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