Conte pédagogique au charme suranné

A l’époque où la télévision et la vidéo n’avaient pas encore pris les pleins pouvoirs sur la culture, l’imaginaire et l’univers des enfants (petits et grands), comment diable pouvait-on bien les occuper intelligemment ?
Il est légitime, aujourd’hui, que vous vous posiez cette angoissante question, surtout si vous avez moins de 50 ans.

Les autres, essayez donc de vous souvenir : entre la lecture d’un Placid et Muzo Poche (et son magnifique feuilletage animé) et un record de tac-tac (vous savez, ces deux boules très dures reliées par une ficelle, qu’il fallait taper l’une contre l’autre jusqu'à l’inévitable hématome au niveau du radius ou du cubitus), que faisiez-vous, vous, enfants de cette triste époque de la télé noir et blanc à deux chaînes et de la mire ORTF ?

Eh bien je vais vous le dire ce que vous faisiez : vous écoutiez des disques sur le pick-up mono de vos parents.

Et plus particulièrement ces livres-disques 33tours (format réduit) édités par Philips ou Mercury, proposant des versions audio des films de Disney, la vie des musiciens célèbres, les fables de La Fontaine et aussi quelques créations originales, comme « Les aventures de Piccolo Saxo », un des incontournables des discothèques enfantines de l’époque.

Comme « Pierre et le Loup », « Piccolo Saxo... » est un conte pédagogique à objectif de découverte de la musique, des instruments et de l’harmonie. Mais cette fois, c’est la musique qui est venue illustrer le texte. La démarche est donc complètement différente et c’est ce qui est intéressant dans le parallèle entre les deux : la musique de « Pierre et le Loup » est une œuvre aboutie à part entière sur laquelle est venu se greffer un texte, alors que la musique de « Piccolo.. » est purement illustrative, comme une musique de film.
Tout ceci pour vous dire que s’il est parfaitement envisageable (et agréable) d’écouter la partition de Prokofiev sans les paroles, il faut exclure totalement de faire la même chose avec celle d’André Popp (rassurez-vous, le risque est faible car à ma connaissance, il n’en existe pas de version sur le marché).

L'histoire, l’originelle, la vraie, la première de toutes : « Piccolo Saxo et Compagnie » (1957), ou l’histoire de la famille Cordes (violons, altos, violoncelles et contrebasse), qui vivait égoïstement en autarcie, jusqu'à s’apercevoir qu’il existait d’autres instruments sur terre et décider d’aller à leur rencontre en organisant un très aventureux voyage, auquel se joindront progressivement et joyeusement toutes les autres familles rencontrées : Saxophones, Bois, Cuivres, Percussions...et finalement le Piano. L’ensemble donnera naissance, vous l’aurez deviné, au plus bel orchestre du monde, symbole d’harmonie, de partage et de travail d’équipe...

[Qui a dit : « un peu comme dans les Blues Brothers » ? ]

Puis, vu le succès de l'Opus1, il y a eu d'inévitables suites : « Piccolo Saxo et le cirque Jolibois » (1958), "Piccolo Saxo à Music City" (1972) et même "Piccolo Saxo et la Symphonie écologique" (en 1976).

L’ensemble bénéficiant de l’enthousiaste et cocasse interprétation de François Perier, de textes chaleureux de Jean Broussolle et d’une musique Popp (André de son prénom) très inspirée, enlevée et persistante.

Un bon moment au charme suranné pour les oreilles et le cœur des petits et des grands.
A essayer sur ceux d’aujourd’hui, pourquoi pas ?

PS : Piccolo Saxo a également pris la forme d'un dessin animé bien longtemps après, en 2006