« Le corps est la réalité » déclarait, en avril dernier, le réalisateur David Cronenberg lors d’un entretien accordé aux Cahiers du Cinéma à propos de son dernier film.

Tout le monde sait que le corps humain n’est pas heureux dans notre monde, qu’il essaie de changer sous la pression évolutive. Parfois on l’aide à le faire, par de la chirurgie.

Qu’elle soit métaphorique, littérale, consciente, refoulée, consentante, subie, fantasmée ou non, c'est cette chirurgie-là qui est aujourd’hui au cœur même du nouvel album des Psychotic Monks, sur le fond comme sur la forme. Dans un univers souvent clinique, où bruits et sons se mêlent à la façon d’un alliage entre organisme et artifice, la proposition du disque bouscule, fascine, questionne, percute et bouleverse. Qu’est-ce qu’être un groupe de rock aujourd’hui, et comment ne pas en répéter éternellement les mêmes codes et clichés, souvent toxiques ?

Produit par Daniel Fox de Gilla Band, le son est brut, direct, massif, abrasif et sans concession. Il laisse place à une production d’un apparent minimaliste, en accord avec le tournant opéré par les arrangements et l’orientation plus électronique de ce nouvel album. Si les différents plans sonores ne recèlent pas de couches cachées ou de tuilages savants (encore que), nous aurions pourtant bien tort de ne pas tendre l’oreille, toujours à fort volume, pour saisir les détails de la production : jeux de compression, panoramiques déstabilisantes, radicalité du mixage font de cette aventure musicale une véritable épopée sonique et une odyssée technique, à son humble niveau. Délivrant une place non-négligeable aux paysages sonores, inspiré par la musique concrète et les pionniers de la musique électronique, le disque devient alors un lieu où l’espace s’étire et le temps respire, à moins que ce ne soit l’inverse. Les moments de densité et d’explosion prennent alors davantage de relief, à l’image du pachydermique solo de trompette sous distorsion venant clore le terrassant Décors de manière totalement disruptive et libératrice. Fruits de longues improvisations mûrement construites, répétées – et parfois copieusement découpées – en studio, ces nouvelles compositions marquent un tournant dans le parcours des Monks, forts de leur expérience de la scène et de ses deux précédents opus. Plus question ici de tergiverser ou de se perdre dans des narrations parfois plus théoriques que pratiques, ici tout sera droit, précis, chirurgicale, quitte à obstruer certaines dimensions plus empiriques ou oniriques.

À la manière d’outils médicaux, les choix opérés sur ce disque – puisque tout est une question d’opération – désarçonnent et viennent pointer du doigt – ou plutôt du scalpel – tous les maux et les grands bouleversements de notre société ces dernières années. Sous le vrombissement des basses, dans les inflexions des voix, derrière sa production, devant la direction de sa section rythmique, du côté de la froideur de ses synthétiseurs, par delà les textures des guitares, au creux des silences, en dehors des fréquences, se dessine alors, peu à peu, un monde tout sauf enviable : le nôtre. [...]

suite de la chronique disponible gratuitement ici (MOWNO.COM)

Kamille_Tardieu
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le 4 nov. 2023

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Le  K

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