Dimension temporelle
Il y a quelque chose de mystique dans cet album, un je ne sais trop quoi, qui donne envie d'y retourner, de se laisser porter sans cesse par les morceaux, de se lancer à corps perdu dans les travers d'une âme humaine, hurlant ses peines a plein poumons, questionnant l'ennui, l'angoisse, le temps, la distance... Quelque chose de profondément philosophique en fait. Philosophique et musicale. Comme je l'ai dit, les ondes transpercent notre corps, nous font virevolter et nous donnent des sentiments différents, viennent nous troubler, nous faire sentir... Humain ? Cruellement humain même, car notre perception d'une musique vient surtout au moment où on l'écoute. Combien écoutent de la musique triste quand nous sommes tristes, joyeuse quand nous sommes heureux, festive quand nous avons envie de faire la fête. Mais, il n'y a pas un album qui m'a permis de ressentir une telle évolution, de la mélancolie, a l'apaisement, en passant par l'angoisse, le temps glisse et les émotions sont continues, logiques, puissantes, mais jamais indistinctes, jamais mélangées arbitrairement, prolongés dans le temps.
Virtuosité
Il serait bien présomptueux de dire que seule la voix est vecteur de sentiment. Oh, bien sûr, la voix est fantastique, soutenant les paroles a merveille, c'est brut tout en étant déchirant, et surtout virtuose. Car cet album est celui d'un virtuose, mais n'est pas celui d'un chanteur que d'aucun prétendent megalomane. Un album d'un chanteur megalomane au sein d'un groupe, cela existe déjà, et c'est The Final Cut, de Pink Floyd, ou quand un chanteur oublie qu'il a un groupe. Ici, il n'en est rien. Car si les compositions et l'interprétation n'étaient pas virtuoses, bien maîtrisée, et bien la voix ne fonctionnerait pas. C'est un album d'un virtuose, un groupe, et non d'un seul homme. Chaque instrument provoque une sensation, la basse, ronde, puissante, vient donner le corps nécessaire, la batterie, syncopée, tout en finesse vient traduire a la fois le malaise mais aussi l'envie de rédemption, la guitare quand a elle, joue le rôle de liant entre tout les éléments, une bête série d'accord n'apporterait rien, là, tout est fait pour casser le rythme, la batterie, la basse, la guitare, contre la voix, qui, évoluant au fil des thématiques, se pose à la fois contre et avec les instruments. Il n'y a qu'à entendre Below et At The Bottom pour le vérifier : lorsque l'un propose une voix qui ne suit pas le rythme de la batterie dans le refrain, l'autre propose une symbiose parfaite entre les différents instruments, venant donner du corps. Le groupe, délaissant précédemment le chanteur, vient ici le soutenir quand il est au plus bas.
Les sens
Tout est réfléchit dans cet album, les compositions, mais aussi le mixage et le son : la voix, très en avant, et la basse, très profonde jouent en contrepoint, l'un vient venir nous troubler, l'autre nous rassurer, et c'est là que l'émotion se crée, car il n'y a pas de manque, l'onde perçue est parfaite, a la fois aiguë et grave, la guitare est pile dans le médium, ne venant pas agresser mais soutenir, et la batterie vient alors joindre tout les corps ensemble. Il faut traiter du groove, c'est important. Losing Hope est l'exemple qui me vient en tête, c'est techniquement irréprochable. Technique, oui, mais justifiée, sans ça, on ne croirait pas à cette perte d'espoir. Remarquez, il n'y a que la basse et la batterie ensemble, la guitare est a part, le chant fait ce qu'il veut, les claviers pareil, seule deux éléments sont liés. Certes, on peut rétorquer que, d'un point de vue théorique, il ne s'agir que de normalité, une section rythmique se doit d'être unie. Sauf que cette unification vient renforcer la desunification des autres instruments, créant alors l'intérêt du morceau. On ressent tout, et c'est le plus important.
Conclusion
Laissez faire des musiciens. Les musiciens savent transmettre leurs émotions, et non les techniciens. Tout le monde peut être poète, tout le monde peut avoir la théorie, mais peu savent transmettre ce qu'ils ressentent. Il en va de même pour la musique.