Platinum et moi c'est toute une histoire.
Ma route croise d'abord Platinum, le morceau-titre dans une version live assez incroyable qui m'a hanté pendant un bon moment quand j'étais au collège. C'était dans l'album Mike Oldfield - the complete, compilation plus essentielle qu'il n'y paraît quand on y réfléchit. Et puis plus rien si ce n'est un truc que j'ai eu la bêtise d'enregistrer sur k7 audio alors que ma chaîne hifi de l'époque allait me lâcher quelques mois plus tard. Destin, quand tu nous tient.
Du coup la ressortie en deluxe me permettait enfin de bénéficier d'un disque studio complètement remastérisé, avec des bonus assez intéressants et un livret rempli de plein de photos diverses (notamment le plan de toutes les dates en avion de la tournée Platinum 1980 où le sieur Oldfield apprit au passage à voler. Ils ne sont pas passés par la France. On devait leur faire peur comme toujours à ces foutus anglais).
Le plus étonnant, c'est que même si avec cet album Michael vieuxchamps effectue un début de virage qui l'amènera à rendre sa musique plus accessible et commerciale qu'elle ne l'était auparavant, l'ensemble reste quand même d'un assez haut niveau (on est loin par exemple d'Islands. Je l'aime bien celui-là remarquez mais c'est le jour et la nuit pour moi à ce stade de la discographie d'Oldfield si on doit comparer avec ce qu'il a fait une décennie plus tôt), bourré d'idées assez audacieuses et d'ouvertures aux autres styles musicaux qui préfigure là aussi la suite de sa carrière.
Ainsi si Incantations évoquait l'ombre immense de Steve Reich (les répétitions et transes des différentes parties d'Incantations renvoyaient à l'inspiration du chef d'oeuvre Music for 18 musicians d'une certaine manière), Platinum cite ouvertement Philip Glass. D'abord avec une (bonne) reprise de North Star en final du morceau-titre, ensuite plus subtilement, en mettant au poste d'ingénieurs du son, Kurt Munkasci et Michael Riesman, collaborateurs éternels de Glass. Et si ça ne suffisait pas, platinum lui-même est rempli de passages répétitifs comme chez Glass...
...Mais avec un esprit électronique et rock totalement nouveau et complètement surprenant.
Platinum (le meilleur titre de l'album et le plus long), divisé en 4 parties commence ainsi par des petites notes soutenues de synthé avant que le combo guitare/basse/batterie ne surgisse. Le morceau gonfle lentement, entraînant, magique, avant de basculer abruptement dans sa seconde partie dans une jam dynamique, la bien nommée Platinum justement. Puis vient Charleston, presque calibré pour les pistes de danse (si on fait un remix dance de ce titre à l'heure actuelle avec du gros son, ça ferait un malheur. :D ) avant un North star très fidèle à l'esprit Philip Glass, la patte Oldfield en plus.
Un North Star qui, à l'époque, était jugé trop court par les fans, éternels râleurs. Du coup en bonus dans la version deluxe de la remastérisation, le musicien en a fait une nouvelle version de près de 8 mn cette fois. Aussi bonne que la version originale, du moins quand on aime.
La face B de Platinum est par comparaison, plus calme.
Forcément, après le bulldozer-Platinum, ça ne peut qu'être déceptif en un sens mais il y a là aussi de très belles choses. Woodhenge semble une création issue d'Incantations ou Hergest Ridge pour le coup. Travail ambiant juste rythmé par les percussions du grand Pierre Moerlen (Gong) et une guitares lointaine, c'est sans doute la pépite la plus inattendue et magique de l'album.
Into wonderland m'est sympathique même si aux premières écoutes je me souviens avoir eu du mal : les sonorités synthé m'évoquaient les mêmes qui feraient ma joie quelques années plus tard avec les jeux vidéos fin des 80's, début 90's. Autant dire que ça surprend musicalement. Mais c'est une chanson pop plus qu'agréable qui finit par l'emporter, une sorte de petite sucrerie dont Mike à la secret et qu'il ne nous faisait que peu miroiter auparavant (On Horseback sur un Ommadawn, Guilty en bonus sur Incantations). Mais je comprendrais qu'on ait du mal, tout comme Punkadiddle qui suit. Le titre démarre pourtant incroyablement (avec sample de bruits du public en ouverture) tout en fureur avant de ralentir en format pop mâtiné de petits "Hoï" rigolos en refrain. Là aussi ça surprend sévère pour vous dire. Un titre que je n'aimait pas non plus au début mais qui maintenant me plaît de plus en plus avec le temps à tel point que je me mets à taper des mains en l'entendant maintenant des fois. Sacré Mike, tu nous auras bien eus.
I got rhythm, reprise de Gerschwin mais avec un tempo plus ralenti est une belle ballade finale et simple, sans prétentions.
Dans la version remastérisée deluxe, le disque deux nous permet de profiter d'un concert jusque là resté inédit (Live at Wembley Arena, Londres, 28 mai 1980) où Oldfield se fait assez plaisir.
Si on atteint pas encore l'excellence rodée par les années et les multiples tournées de la version The essential, la version live de Platinum est déjà non seulement fidèle mais quasi sans faute. Punkadiddle en live s'avère curieusement sans audace, réitérant presque le morceau studio à l'identique. Incantations est un cas plus intéressant où le Mike va zapper constamment dans les 4 parties du disque éponyme et réinvente une fois de plus en effectuant un montage étrange et hybride de tout l'album. A certains moments ça marche, à d'autres non. Curieusement en adoptant le même choix technique pour la part 2 de Tubular Bells en la ramassant, sectionnant et racommandant comme il le veut le titre, l'ensemble passe comme une lettre à la poste, gommant les défauts du titre ( le coup du démon qui grogne sur le disque original, j'ai toujours eu du mal. La bonne blague, comment couler une part 2 magnifique qui annonçait Hergest Ridge !), ne se concentrant que sur ce qu'il pense le mieux. Vient Guilty lui aussi modifié mais pas tant que ça, le final de Tubular Bells n'occupant qu'un instant.
Au final l'édition simple remastérisée de Platinum peut suffire à tous les fans d'Oldfield, le live disque bonus de l'édition deluxe s'avérant un petit plus non négligeable tout de même, mais l'album de base, toujours rempli de son panache n'a décidément pas pris de rides et reste du pur plaisir musical.