Entre toute la floppée de B.O à fournir à ce moment-là et leurs disques solo (entre 1983 et 1985, TD sort pas moins de 9 disques !), Tangerine Dream a quand même le temps de s'envoler en Pologne pour livrer un concert assez culte.
Resituons le contexte car il est assez essentiel. A l'époque, rappelons que dans les pays communistes, la musique dite à texte était bannie car les dirigeants avaient sérieusement peur que le peuple n'en vienne à avoir de mauvaises idées. Donc ça ratisse large. Mais la musique électronique était largement autorisée et des groupes et artistes comme Tangerine Dream ou Klaus Schulze avaient très facilement droit de passage (les deux ont d'ailleurs des lives impressionnant en Pologne).
Ensuite resituons le lieu.
La Pologne, son froid glacial, ses tempêtes de neige, sa biè... (oops). Lorsque la bande à Edgar Froese se produit en concert, on est en décembre 1983, le temps est radical et pourtant le groupe y va quand même, ne voulant nullement déplaire aux fans.
Il fait tellement froid que les machines ne marchent pas toutes, que le toit de la salle de concert se craquelle et s'effondre (neige trop abondante), que des intervenants sont obligés d'avoir des bouilloires d'eau chaude remplies à bloc pour en verser régulièrement sur les mains des musiciens, sans oublier les baisses (on les sent à l'écoute !) et coupures de courant.
Bref c'est assez épique.
Et pourtant c'est dans ces conditions extrêmes qu'un miracle se produit.
Nos teutons-techno en deviennent assez inspirés et chaque morceau se transforme en un festin régulier de 20 mn environ (double vinyle donc) naviguant entre moments ambiants assez fascinants (et après on s'étonne encore que ces gars là aient fait des bandes originales ! Ils étaient tous désignés et il y a même des petits trésors de ce côté...) et rythmiques plus énergiques (Froese a même ressorti sa 6 cordes pour un très court solo sur Tangent).
Poland démarre rythmiquement (après l'annonce du présentateur qui a son charme) par une percussion hypnotique qui se gonfle de notes de synthé qui se répètent et se complètent lentement. Puis des rythmes arrivent quand d'autres disparaissent, les trois compères jouant sur les rythmiques quitte à rebondir dessus pour créer de nouvelles lignes harmoniques. Le tout est de se laisser porter. Le morceau est suffisamment varié et riche pour éviter la répétition en plaçant là à 4mn50 des samples de voix (des organisateurs du festival ???), une basse en contrepoint à 5mn40, des percussions "scratchées" comme on le ferait d'un vinyle par un DJ à 6mn (difficile de décrire ce genre de son à vrai dire). Puis à partir de 11mn, tout s'arrête tranquillement pour disparaître dans le vent qui se lève. Fini ? Non car lentement la seconde partir du morceau se dévoile, en progression, grandiose. Pour que tout s'achève enfin par une course folle.
Le reste du disque suit le même tonneau alors si vous accrochez à la première piste, nul doute que tout le disque va vous parler.
Emouvant et beau, sublime et assez proche de Logos, autre grand live de cette époque (une seule piste, énorme, enregistrée en improvisation à Londres, sublime moment aussi).