Beaucoup d'avis convergent à un même point pour dire qu'Absence est un disque incontournable de Dälek. Et les auteurs de ces avis ont raison. Depuis, dix sept années ont passé, le virus variable du COVID a pourri la vie de (presque) tout le monde entretemps, recalant, dans notre Occident s'oxydant, concerts et sorties d'albums à des dates ultérieures espérées et finalement arrivées pour beaucoup.
Plonger dans Precipice, c'est se laisser emporter dans un rap planant, aux ambiances vaporeuses voire presque éthérées et paradoxalement oppressantes. Oppressantes par le ton que donne le morceau instrumental, "Lest We Forget" avant que "Boycott" engage les hostilités. Les dix titres passeront tout d'abord au-dessus de la tête, les oreilles restant étanches dans les premières écoutes, surtout si on n'a rarement été adepte du monde du hip hop. Mais Dälek, aujourd'hui formé en duo, est quelque chose à part et ce depuis les années 1990. Et puis, peu à peu, on se laisse hypnotiser, aimanter au fur et à mesure par "Decimation (Dis-Nation)", "Good" et son funk sombre, "A Heretic's Inheritance" et sa ligne de guitare neurasthénique qui fait rappeler du Tricky poisseux, "Precipice" et "Incite".
Les sons dans l'ensemble, formulant une sorte de shoegaze suffocant sur lesquel Will Brooks dépose ses vindictes, sonnent un peu étouffés, sourds, comme l'écho lointain d'une tempête qui ne devrait pas tarder, comme un bruit filtré par de l'épais brouillard, mais sont parfois aussi très insidieux dès que l'on accepte de s'ouvrir.
L'album ne respire pas la joie et pourtant, dans ce Precipice, on replonge volontiers dans ce smog hip hop à la fois sinistre et contemplatif.