Ah ! Le Trou de Courtney Love ! Pourquoi pas la Fente pendant qu’on y est ?
Vous m’excuserez cette introduction pouvant faire grincer des dents en ces temps de politiquement correct (alors qu’on fait mine de découvrir des comportements scandaleux, quelle hypocrisie !). Cependant, comment ne pas penser que le nom de ce groupe était une provocation particulièrement débile ? Sauf que c’est normal, c’est de l’humour white trash. Autrement dit, la facette beauf et dégueulasse de l’Amérique. Est-ce pour cette raison que Love est devenue une des artistes féminines les plus détestées ? Oui et non.
Il y a les adorateurs de la thèse du complot qui la considèrent comme une veuve noire (pour rappel, elle s’était mariée avec Kurt Cobain). Et il y a ceux qui la trouvent dérangeante. Car elle balance avec véhémence tout ce que les misogynes ne veulent pas entendre au sujet des femmes : la violence envers elles, la prostitution, l’obsession de l’image de soi ou encore l’autodestruction… Les paroles ne sont absolument pas fines et d’une crudité peu commune. Toutefois, c’est aussi ça qui a fait de ce premier album de Hole une œuvre marquante à sa sortie pour le rock alternatif, notamment féminin. Un électrochoc, à l’instar des débuts de Babes in Toyland, pour la cause de ce punk grungy féministe qu’on a surnommé Riot Grrrl.
Cohérent jusqu’au bout, le quatuor délivre une musique en accord avec ses textes : crade, confuse, chaotique et malsaine. Si le son était plus metal, on aurait pu parler de néo metal tant les thèmes qui ont nourri ce mouvement sont déjà présents.
A ce sujet, le son est bien sale et bruyant pour un disque étiqueté grunge à cette période (ce qui est logique quand on apprend que Kim Gordon de Sonic Youth a participé à la production). 1991 est l’année de la mainstreamisation de tout un style alors que Pretty on the Inside semble toujours coincé dans les principes sonores de l’underground. Loin de toute ambition permettant de faire découvrir et, surtout, faire aimer le grunge à tout le monde sans perdre en authenticité. Même si ce skeud paraît avant les gros succès qui permettront d’atteindre cet objectif casse gueule, il s’avère totalement en retard par rapport à son époque (d’ailleurs, pour la petite histoire, le premier single de la formation s’intitule « Retard Girl »).
Où est-ce que je veux en venir avec tout ça ? Hé bien, c’est que cet album, aussi intéressant soit-il d’un point de vue historique et sociologique, était surtout à découvrir en temps réel plutôt qu’aujourd’hui. Musicalement, rien ne laisse prévoir le talent dont Courtney Love fera preuve une paire d’années plus tard. Les bonnes mélodies ne sont pas cachées derrière le désordre sonore, elles sont tout simplement inexistantes. Les chansons étant mauvaises car Love n’aligne pas la moindre ligne de chant potable. Elle hurle, murmure, parle mais ne chante quasiment pas.
Si l’approche punk est respectée (on ne peut nier la spontanéité du bazar), on regrette que la composition, elle, ne suive pas. Du coup, impossible de se souvenir de quoi ce soit, mis à part qu’on a traversé une tempête menstruelle pendant presque quarante minutes. Ou alors, on se souvient de quelques moments parce qu’ils ne sont pas du fait de la bande (« Starbelly » qui pique sans honte le riff magistral du « Cinnamon Girl » de Neil Young). C’est justement grâce à cet art de la reprise déguisée qu’on peut entendre le seul morceau réussissant à concilier une accroche mémorable (ce riff psychédélique, à la fois brillant et entêtant) et un texte noir. C’est-à-dire « Clouds » qui n’est autre qu’une méconnaissable reprise du « Both Sides Now » de Joni Mitchell. Un très grand titre de rock lourd et méchant.
Hélas, cette version féministe de Mudhoney (le single « Touch Me I'm Sick » ayant traumatisé Courtney et Eric Erlandson de leur propre aveu) s’avère très décevante en dehors de cette conclusion stupéfiante.
Contrairement à son, alors, futur mari, la blonde white trash n’est pas capable d’écrire la moindre bonne chanson. Pour sortir de cette situation, elle va devoir composer, elle aussi, son Nevermind. Et ce qu’elle perdra en reconnaissance élitiste (Pretty on the Inside ayant récolté des critiques positives en 91, ce qui déconcerte fortement avec un regard actuel), elle le gagnera en ventes et surtout, en talent.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.