Un micro, deux platines, pleins de possibilités
Il y a des rappeurs qui ont prouvé par intermittence un super talent, mais qui n’ont jamais transformé l’essai, jusqu’à livrer un projet solide de A à Z. Royce Da 5’9" est de cette catégorie. Sorte de Carmelo Anthony du rap - un mec dont le talent est indéniable, mais qui reste dans les mémoires seulement pour certains exploits - il tient, lui, à faire changer les choses et prouver qu’il peut être capable de livrer un album de haute-voltige. Lui qu’on connait avec Slaughterhouse ou Eminem, n’aurait-il pas trouvé en DJ Premier, l’alter-ego dont il avait réellement besoin?
Ces deux là se connaissent déjà. Les très bons morceaux qui unissent le MC et le beatmaker sont légions, par exemple, comment oublier l’impérissable - 15 ans déjà! - « Boom »? C’est donc avec la plus grande des joies que nous accueillons ce projet commun, qui a une particularité, celle d’avoir pour matière première des productions, une partie de la discographie d’Adrian Younge, et particulièrement son opus « Something About April ». Une très belle base soul/funk samplée à la sauce Primo et sur laquelle le serial spitter va pouvoir s’adonner à son activité favorite. Un beau menu en perspective.
Si il fallait décrire cet album par un film, ça serait sans conteste « Retour vers le Futur ». Oldschool à souhait, mais très frais à la fois, les rythmiques sèches nous traversent le corps. Premier sait y faire, avec ses beats bruts et sans artifices : il va droit au but et ça fonctionne clairement. Il ne reste plus qu’à ajouter la technique fluide, puissante de Royce Da 5’9’’ pour en faire un disque inratable. Le duo est clairement là pour vous faire bouger vos têtes!
« PRhyme, I'm in my permanent prime - I ain't never falling off », l’intro, nous met directement dans le bain. Une instru sombre, sans superflu, quelques petits scratchs ainsi que le flow habituel - et tellement efficace - de Royce, haché et fait d’accélérations, nous annoncent ce que nous savions déjà : les deux compères sont à leur apogée.
Un sentiment qui ne s’arrête pas au seul premier titre, ce serait les sous-estimer. Non, ils vont le prouver tout au long des 9 titres et des 35 minutes de cet album. Une majorité des lyrics de Royce se concentrent sur sa personne, notamment le fait qu’il soit dévalorisé, souvent oublié dans les charts. Et comme d’habitude avec Royce, il faut s’attendre à bon nombre de punchlines!
Les featurings eux, sont uniquement de qualité : Ab-Soul et Mac Miller se retrouvent pour un petit bijou ; Common est dans la veine de ses récentes sorties, et se redécouvre une jeunesse sur une production stridente de Primo ; et enfin, le sous-côté et trop rare Jay Electronica vient prêter main forte au duo dans un titre où l’orgue d’Adrian Young nous envoute. Le reste de Slaughterhouse évidement présent, il est à noter aussi la présence du très en vue - pour avoir lui aussi sorti un des albums de l’année - ScHoolboy Q, avec Killer Mike.
Les morceaux s’enchainent, dans des styles different mais tous efficaces. Les invités sont plus que de simples invités, ils semblent faire partie intégrante du groupe. Ce duo, qui ne semble plus en être un, sonne comme une entité à part entière, tellement elle semble juste et parfaite. Au final, 15 ans après, l’alchimie est toujours au rendez-vous, et PRhyme est un album tout aussi inattendu qu’excellent. Ne l’ayant pas vu venir, la claque a été encore plus forte. Un renouveau du Boom Bap que ne renierait pas KRS-One.