Les hommes d'un album et, forcément, d'un single inouï, ne peuvent par la suite que difficilement se relever de pareil disque de blues déchiré mâtiné de soul psychée. La face patraque et superbe, minée par une sérieuse gueule de bois, du flower power qui n'avait pas tout a fait encore senti que la fin des sixties allait laisser les fleurs faner et pourir dans le vase.
Écouter Something Followed Me, c'est entendre un son de guitare nouveau, cloisonné, direct. C'est, pendant tout l'album, être hypnotisé par un orgue Hammond plus abouti que chez les copains de The Band, plus lancinant que chez Dylan. On imagine le pasteur fou de l'Eglise du coin, celle entourée de grilles hautes comme des montagnes parceque la menace règne, mettre tout le monde minable face à son clavier avant que l'Apocalypse ne débarque, que les mouches et les frelons viennent ravager les fleurs.
Un album aussi virtuose qu'oublié, il n'y en a pas des tonnes sur le marché. Il est raisonnable de dire que Procol Harum est de ce pédigré là, immanquable et d'une classe pas possible. Les écouter se déchaîner sur A Christmas Camel et son jeu de piano à sampler pour le rap en urgence, c'est adhérer à la machine et partir en mission, c'est ouvrir bien grand les oreilles devant pareille Messe sans passer par le confessionnal parce qu'on s'en fout. Et de remettre notre vie en question : Music From Big Pink est-il réellement l'album le plus influent de cette ère ?