Diamond Voice
En 1984, débarque presque de nulle part le groupe Sade (car c’en est bien un) œuvrant dans un style que l’on qualifiera de Soul / Jazz / Rock / Pop : un mélange plutôt inédit et inattendu destiné au...
le 27 janv. 2023
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Il n’est pas toujours évident de confirmer après un premier album ayant marché remarquablement. C’était le pari pour Promise (1985), et je couperai court à tout suspense en affirmant tout de go que c’est réussi. Il faut dire que contrairement à Diamond Life, Promise était attendu au tournant : les singles successifs mettant en valeur le style chic et charme de la chanteuse ont marqué les esprits en 1984 : sans parler de sa voix exquise, qui pourrait oublier en effet son rouge à lèvres, ses grandes boucles d’oreilles et son interminable natte bougeant au gré des rythmes jazzy ?
La prestation au Live Aid à Wembley devant 85000 spectateurs et surtout 400 millions de téléspectateurs, aura sans nulle doute permis d’élargir l’auditoire du combo et de susciter une attente encore plus grande quelques mois avant la sortie de ce deuxième album. Passer en deux ans de conduire un van entre les petits clubs à un stade plein à craquer pour participer à l’évènement médiatique le plus suivi de tous les temps n’est pas donné à tout le monde, surtout si on regarde les autres noms de l’affiche : Queen, Mc Cartney, Bowie, Sting, Judas Priest… En tout état de cause comme sur l’opus précédent, le beau visage de Sade Adu orne la pochette qui se suffit à elle même. On poussera aussi un petit cocorico en signalant que les anglais sont venus enregistrer une partie de l’album au studio Miraval (Pink Floyd y a notamment mis en boite The Wall) à côté de Marseille.
Musicalement pas de bouleversement majeur : dès l’ouverture et Is It A Crime, nous baignons toujours dans des atmosphères « Club de Jazz » avec la voix Soul de miss Adu toujours aussi magnétique, elle s’insinue dans la tête et l’âme de l’auditeur lui faisant partager la mélancolie de cette balade aigre-douce. Le saxophone a toujours une place prépondérante et Sade y pousse sa voix davantage que sur Diamond Life, elle semble plus sûre d’elle même et plus aguerrie à l’exercice du studio.
Si on devait choisir le hit de toujours de Sade ce serait soit Smooth Operator de Diamond Life, soit la seconde chanson de ce disque The Sweetest Taboo. Voici un morceau très cadencé où la batterie est assez en avant, logique étant donné que le percussionniste Martin Ditcham a participé à son écriture. La guitare y tient aussi une part non négligeable dans la rythmique, me rappelant certains titres de Phil Collins, mais ce qui fait la différence est une fois de plus le chant : elle parle d’amour comme souvent, et comme des imbéciles on s’imagine qu’elle nous parle à nous, pauvres auditeurs hypnotisés…
A mon sens la légère supériorité de Promise par rapport à Diamond Life découle d’une meilleure homogénéité, je dirais qu’il contient moins de titres faibles, ainsi l’intimiste War of The Hearts pas forcément très connu dans son répertoire, distille des parties vocales envoûtantes soutenues par la basse métronomique de Denman et avec tour à tour un solo de piano, de saxo et de guitare : du grand art. L’ensemble a aussi gagné en profondeur, les chansons sont plus développées, plus étoffées, même le court Mr Wrong maintient l’auditeur sous le charme avec des parties Scat plus enjôleuses que celles de John Scatman (les gars de ma génération reconnaîtront la référence). Mais c’est sur Jezebel que l’émotion est à son paroxysme, que ce soit avec le saxophone plaintif, les arpèges de guitares délicats et Sade Adu chantant la fierté de la jeune fille d’origine modeste de cette chanson.
A vrai dire il faut attendre Never as Good as the First Time pour trouver une chanson aux accents plus Pop, celle ci est un peu trop légère à mon goût et représente en quelque sorte un OVNI sur le disque : on a l’impression d’écouter subitement un album ou un groupe différent. S’y trouvent cependant quelques arrangements sympas et un bon travail basse / guitare. On soupçonne tout de même un écart commercial pour appâter le chaland, c’est pour ma part le seul reproche que je peux faire à cet album.
En revanche sur l’étonnant Fear aux accents hispaniques, Sade innove et propose quelques paroles en Espagnol qui n’altèrent en rien l’émotion qui émane de sa voix, de toutes façons avec un timbre pareil elle pourrait sans problème faire passer le patois Turkmène ou le Khuzdul pour une langue sexy…
Promise tient la route jusqu’au bout et Maureen clôt le disque avec des mesures entraînantes tout en véhiculant une certaine mélancolie (et une mélodie certaine), j’oserais ici une comparaison avec certains titres de Jamiroquai.
Quoi qu’il en soit, Promise confirme les brillants débuts, utilisant au mieux l’expérience acquise depuis le premier album. Promise ne s’écoute pas uniquement avec les oreilles, il parle aussi à l’âme, quoi de plus normal avec toutes ces influences Soul vous allez me dire… Si on ne devait emmener qu’un seul des trois albums 80’s de Sade sur une île déserte (mais avec une chaine hifi, allez comprendre), ce serait celui-ci.
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le 25 janv. 2023
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