Sans grande surprise, le second album solo de la californienne Phoebe Bridgers, révélée grâce à un premier album époustouflant (Stranger In The Alps, 2017) est tout autant bouleversant, sinon plus. Le travail sur l'intime, sur l'émotion retenue, la subtilité et la peine qui se trouvent contenus dans ce nouveau disque valent le détour. C'est un album à s'autoriser, quitte à un peu s'y perdre.
Je vais faire un retour titre par titre :
Garden Song : Après une introduction inquiétante, le premier morceau, déjà révélé dans les mois qui ont précédé la sortie de l'album, est une touchante pièce, qui navigue entre confiance, angoisse, meurtre, et cauchemar. "I don't know why, but I'm taller".
Kyoto : titre le plus "rythmé" de l'album, c'est un morceau sur l'échec d'un père, le droit de se détacher de ses affres et la relation complexe que le maintien de liens peut constituer. Il rappelle certains titres de l'album Better Oblivion Community Center, sorti par Phoebe Bridgers l'année précédente, en duo avec Conor Oberst. Il y a une vibe nostalgique late 90's. "To tell me you're getting sober, you wrote me a letter, but I don't have to read it".
Punisher : Titre mélancolique qui donne son nom à l'album. Comme chanté sous l'eau. Balade d'une artiste sur les pas d'un autre (vraisemblablement Elliott Smith, pesante influence sur l’œuvre de Bridgers et d'une grande partie des artistes de la scène indie folk/rock actuelle), et l'angoisse d'une rencontre qui n'arrivera jamais. "What if I told you I feel like I know you, but we never met ?"
Halloween : Chanson amoureuse, intimité d'un couple. mélodie envoûtante. La chanson témoigne de l'attrait de Phoebe Bridgers pour une fête particulière, où "we can be anything". Elle s'inscrit musicalement dans la continuité du morceau précédent.
Chinese Satellite : Une chanson sur les pertes de l'esprit, les croyances, la place qu'elles occupent et les espoirs qu'elles peuvent porter.
Moon Song : mélancolique titre sur une relation avec une personne sensible, et sur la place de l'artiste dans ce lien. Très intime, le titre semble évoquer Conor Oberst, ou un patchwork d'artistes. Des disputes, un sourire, un oiseau (jaune), un mariage, et des larmes. "You're sick and you're married, you may be dying, but you're holding me like water in your hands."
Savior Complex : titre acoustique, sur la peine et la sagesse, et l'ambivalence des relations où les deux partenaires se soutiennent mutuellement pour surmonter les squelettes dans les placards. "All the bad dreams that you had, show me yours".
ICU (I See You) : Second titre rythmé, sur l'impact de la relation de Phoebe Bridgers avec son batteur, Marshall Vore, et sur cette relation aujourd'hui. Encore une chanson sur le quotidien, sur l'émotion, sur l'après-rupture : "I hate your mom, I hate it when she opens her mouth. It's amazing to me how much you can say when you don't know what you're talking about".
Graceland Too : Une chanson aux sonorités très folk, qui parle de l'instinct, le fait de suivre à l'envie ses décisions. Julian Baker et Lucy Dacus y font les chœurs, rendant le tout très envoûtant. C'est l'histoire d'une femme qui part, qui choisit. "She could do anything, and she wants to".
I Know The End : Pour moi, le titre le plus fort de cet album, qui le conclut dans une apocalypse musicale où des hurlements résonnent assez justement. La chanson alterne entre des visions destructrices de fin du monde, et du déni. Toute la fin du titre est une montée dans un tourbillon infernal, se concluant sur Bridgers essayant de hurler en chuchotant, comme si ce n'était finalement pas tout à fait sa place. "Yeah I guess, the end is here"
Bref, foncez.