Après un «Scythia» prometteur mais qui n'était que le début d'une idée, après un «The Most Ancient Ones» qui concrétise la forme de la Bête, via l'arrivée de Thurioz, mais a qui manque finalement cette dernière petite flamme pour transformer l'essai, vient «Purity». Et «Purity» marque cette fois par son inspiration, faisant rentrer Hate Forest dans la cour des grands.
Comment cela est-il possible?
Thurioz, membre du brutal Astrofaes, a rejoint Roman Saenko suite à une première démo perfectible mais remarquable, et est resté depuis son compagnon de toujours pour divers projets annexes (Drudkh, Dark Ages, Blood of Kinghu, Old Silver Key...). Bien qu'ayant plus de véhémence que nombres de groupes pullulant dans la sphère Black Metal, il fallait cependant la force nécessaire pour la concrétiser. Et cette concrétisation se fait de façon inattendue: Hate Forest s'inspire autant du Death Metal à la Immolation ou Bolt Thrower qu'il ne le fait avec Immortal et consorts.
L'Entité de Kharkov devient une montagne de muscles, une véritable force de la nature.
«Purity» est implacable.
Alliée à une boîte à rythme martiale et à une rythmique inhumaine et totalitaire, la Bête sauvage frappe et fracasse à tour de bras ce qui se trouve sur son chemin. Souvent rapide, l'album ne connaît que de rares décélérations. Hate Forest est au dessus de la chaîne alimentaire, en a conscience, et n'hésite pas à appliquer la cruelle loi de la nature. Les vocaux furieux et plus typés Death Metal de Saenko laissent place à ceux monstrueux de Thurioz, lors de points culminants de haine. La basse, instrument grave au possible, gagne logiquement sa place dans un rendu viril.
Élitiste dans sa démarche idéologique -pas directement déclarée mais assez claire pour quiconque ayant un peu jugeote- il ne se veut pas accessible au grand public à travers sa densité sonore. Hate Forest raille ses condisciples faiblards et maigrichons, pseudo-misanthropes à leur maman qui pleurent leur haine du monde ne se conformant pas à leur vie de petits aristocrates. Et pourtant...
«Purity» est magnifique.
Dès les premières notes de guitare présentes sur "Domination", Hate Forest nous montre son penchant aux larmes. Des larmes de glace, une espèce de convulsion émotive. Convulsion vite masquée par un brusque maelstrom instrumental, comme si l'Être avait eu conscience d'avoir exposé une faiblesse condamnable.
Cette faiblesse pourrait sembler saborder cette pureté voulue, ce totalitarisme sonore. Il n'en est rien, car cette émotivité sincère ne rend que plus attachant «Purity»... et participe donc bien finalement à sa perfection.
Hate Forest est bel et bien haineux et ultra-violent. Mais il a pourtant une âme, une âme qui n'est plus aussi noire que l'écorce campagnarde de «Scythia», une âme blanche comme neige, au point d'en être aveuglante. Il est un colosse aux pieds d'argiles, ce grand individu impressionnant que l'on s'étonne de voir sangloter, et fait preuve d'une mélancolie testostéronée et viriliste. L'écouter revient à observer de face une avalanche colossale, à laquelle l'on ne peut réchapper, mais dont la beauté rustre nous hypnotise.
«Purity» ne sera donc pas évident pour tout tout le monde, amateurs de Black Metal compris, car telle est la volonté de ses géniteurs. Néanmoins, les auditeurs les plus persévérants et les plus patients pourront peut-être saisir l'émotion exprimée au travers de ce rouleau-compresseur.
La note maximale vaut pour l'esprit d'absolu du disque, la personnalité et le génie du groupe. Et j'insiste lourdement pour dire combien elle est méritée.