Avec le temps qui passe, rares sont désormais les artistes qui me font encore frissonner d'excitation quasi à chaque album... Les musiques qui ouvrent à chaque fois de nouvelles fenêtres émotionnelles... Nick Cave est pour moi l'un d'eux, et la première moitié de "Push the Sky Away", avant que l'album ne perde un peu de sa force, est l'une des plus belles choses que l'on puisse écouter en ce moment. En perdant Mick Harvey, dont le rôle au sein des Bad Seeds était fondamental, Cave a dû se réinventer, et a choisi - brillamment - d'en faire moins pour en offrir encore plus. Sans les guitares qui tonnent et grincent, mais sans pour autant retourner au piano qui avait été un peu trop envahissant au cours de la moins bonne période créatrice du groupe - après "Boatman Call" -, la musique est ici plus nue que nue, mais laisse du coup entrer une lumière sublime, éblouissante (on comprend bien l'allégorie de la magnifique pochette), qui crée un sentiment de transcendance inédit chez Cave... Sans sacrifier pour autant le sens de la tension qui l'a toujours distingué. Si l'on ajoute une excellence renouvelée des textes, moins faulkneriens, moins emphatiques, moins... "gothiques", mais peut-être plus intimes, plus personnels, notre bonheur est complet. Il vous suffira d'écouter par exemple - attentivement, car voici une musique qui se mérite, qui est tout sauf "d'ambiance" - le terrassant "Jubilee Street" pour saisir qu'il n'y a pas plus d'une poignée d'artistes vivants pour réussir ce genre de miracles. [Critique écrite en 2013]