Puta's Fever
7.3
Puta's Fever

Album de Mano Negra (1989)

Aussi fort, aussi varié, aussi fou, aussi tout que Patchanka

Né le jour de l’été 1961 à Paris 15ème, Manuel Chao aime le foot et la musique. Chez lui, on parle espagnol. Son père (Ramon Chao) est un journaliste qui côtoie les réfugiés opposants aux dictatures d’Amérique du Sud .
A Boulogne Billancourt, puis à Sèvres, le jeune Chao, épingle le Che dans sa chambre, oscille entre ses deux passions, écoute Elvis Presley, Ray Charles, Chuck Berry…et puis les Clash. Les Clash en concert, la révélation qui le poussera en 1980 à mettre le premier doigt dans l’engrenage en fondant Joint de Culasse (groupe où on trouve déjà son cousin-batteur Santi) qui carbure au punk-rock et à l’énergie renouvelable qui va avec. Concerts, rencontres, influences… La scène rock indépendante française n’a pas encore fait son coming-out, mais s’y prépare sauvagement. Quelques influences latines dans les musiques, exit les Joints de Cul’, salut les Hot Pants (« chauds dessous » pas chics pour deux sous), qui tournent, tournent, tournent…Plus de 300 concerts (généralement aux côtés de la clique émergente… Chihuahua, Négresses Vertes, Béruriers Noirs, Garçons Bouchers, Rita Mitsouko…) et un skeud en 1987, « Loco Mosquito » (moustique fou !) le bien nommé, qui a pour seul intérêt de servir d’étalon, de point zéro aux futures évolutions (grâce à ce disque, on pourra constater à quelle vitesse un groupe peut s ‘améliorer en peu de temps !) . Split .
Puis une nouvelle expérience avec Los Carayos (sorte de folk-world-rockabilly où l’on retrouve Manu aux côtés notamment de François Hadji-Lazaro, leader des Garçons Bouchers et fondateur des mythiques Boucherie Productions, emblématiques de la scène indépendante de l’époque).
En parallèle à Los Carayos, Manu Chao veut mettre un rêve à exécution : « faire un groupe extraordinaire ; que l’on n’ait pas besoin de répéter ou de se regarder ». Une sorte de communion musicale instinctive, sentimentale et évolutive. Manu-Mano. Une main noire surgit d’une BD de Autheman et Rousseau. 1987. Manu, chanteur, auteur, compositeur réunit ses guerilleros dans un squat de Sèvres. Son frère Antonio (alias Tonyo del Borneo, trompette), le fidèle Santi (Santiago Caseriego, batterie), Daniel Jamet (guitare), Jo Dahan (basse), Philippe "Garrancito" Teboul (percussions) et Thomas Darnal (claviers) mettent ensemble la main droite dans le cambouis et la plaquent sur le mur .
E viva la Mano Negra !


Un pavé tel que Patchanka dans la mare vaseuse du rock français de l’époque ne pouvait laisser les majors indifférentes.
Virgin saura trouver les arguments pour attirer en son giron nos farouches indépendants…
Les fans de la première heure critiquent ce pacte avec le diable.
Mais dès que sort ce deuxième album élégamment intitulé Puta’s Fever (« chaude pisse » en français…), tout le monde revient à sa place, c’est à dire sur le cul.
La suite parfaite de Patchanka.
Aussi fort, aussi varié, aussi fou, aussi tout.
Incroyable de pouvoir prendre autant de plaisir coup sur coup.


Les Mano sont grands et leur public grandit avec : on est à présent dans le domaine du phénomène, ni plus ni moins. Démarrant sur une version studio de M.A.N.O.N.E.G.R.A (prononcer les lettres une à une en anglais), regorgeant de perles pures, en chansons (Pas assez de toi, impeccable avec son riff montant/descendant), en rap du tonnerre (King Kong Five), en latinades (Soledad, El Sur, Peligro), en franchouillades (Roger Cageot, La rançon du succès), en rock râpeux (Rock’n’roll band, The devil’s call) ou classieux (Mad House), en raï endiablé (Sidi’H’Bibi), c’est encore un incontournable, riche, chaleureux et décoiffant qui tombe dans nos oreilles ébahies…
La fête continue !


Et nos zigues se lancent dans une tournée inédite qui écumera les boîtes louches du quartier de Pigalle, avant d’attaquer l’Europe, l’Amérique du Sud et les States en première partie d’Iggy Pop.


Car leur rayonnement est à présent planétaire ! Un phénomène, je vous ai dit…qui laissera des traces. Car se frotter ainsi au succès, au monde du show-biz international etc… ne convient pas à l’état d’esprit de Manu et du groupe, qui décident du coup et premièrement de ne plus jouer dans aucun pays anglo-saxon, deuxièmement de ne plus jouer dans aucune salle parisienne…
C’est la maison de disques qui fait la gueule !…


Mais nous on écoute encore et encore ces deux monuments que sont Patchanka et Puta's fever !

RolandCaduf
8
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le 20 avr. 2021

Critique lue 68 fois

RolandCaduf

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