A la fois hors de contrôle et carré. Psychédélique tout en n'oubliant pas d'être frénétique, Swervedriver a tout pour être un groupe à part. Ce n'est pas étonnant qu'on les retrouve sur le label Creation, qui regroupait un lot de groupes à forte personnalité et talentueux.
Au début des années 1990, ce groupe s'est retrouvé tout de suite en place de favori chez les journalistes Anglais, énervés que la scène musicale Anglaise ne puisse pas proposer elle aussi un rock "dur" face au grunge qui montait petit à petit au sommet des charts depuis un certain Nevermind. Le retour de bâton fut néanmoins rapide, car Swervedriver a été snobé par la suite, puisque étant soit disant un groupe de crétins porté sur la picole et les bagnoles. Une autre preuve du caractère hypocrite de la presse musicale.
Mais voilà, ce groupe représente le rock and roll dans sa forme la plus pure et la plus jouissive: une débauche d'énergie sincère.
Si je considère Mezcal Head aussi bon que ce premier jet, Raise est sûrement le sommet discographique de cette troupe. La recette reste grosso modo la même, si ce n'est que le son est plus sale ici et c'est tant mieux, puisqu'il renforce le côté abrasif d'une musique qui ne s'embête pas de détails. Elle pourrait être la continuité de la discographie de Sonic Youth à partir de Dirty. Mais on peut aussi faire un parallèle à propos du chant de J. Mascis, aussi accrocheur et approximatif que celui d'Adam Franklin.
Ce qui m'a toujours plu chez ce groupe, c'est leur spontanéité même s'ils arrivent à offrir en même temps une musique travaillée. Il faut entendre ces harmonies de guitares qui s'entrecroisent : entre harmonies évidentes (les riffs principaux d'une efficacité redoutable) et ces couches de feedback qui donnent rapidement le tournis. Certains moments ont même des allures d'improvisations tellement ils donnent l'impression de partir en roue libre (le pont de "Rave Down" notamment).
Autre détail qui les place bien au dessus de la mêlée: une section rythmique d'enfer. Une basse bien ronflante qui n'hésite pas à s'imposer mais surtout un batteur déchainé (Graham Bonner) qui apporte beaucoup de nervosité aux compositions. Et même si le groupe s'en sortira sans problème par la suite, son départ juste avant l'enregistrement de leur second album reste regrettable.
Quand on a une énergie c'est bien, mais avoir des mélodies en plus, c'est mieux. Et mêler la furie d'un rock primaire aux mélodies raffinées Britanniques (même si vu la voix du chanteur, la défonce ne semble pas loin) est tout simplement une idée de génie.
Raise rassemble en définitive des missiles d'une évidence réjouissante (l'imparable "Son of Mustang Ford") et des envolées psychédéliques épiques ("Sandblasted"). C'est en quelque sorte, de la douceur écrasée par des coulées de plomb, donc de quoi satisfaire les appétits les plus atypiques avec ce disque d'un groupe essentiel.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.