Salut, c'est Giorgio Moroder.
Les Daft Punk, j'les aime bien au fond. Avec Discovery, ils ont rendu hommage à mon From Here To Eternity, presque 25 ans après. C'était en 1977, avec Donna Summer, j'avais créé l'érotisme du futur, métallique, synthétique, sensuel. From Here To Eternity en était le prolongement, j'ai refusé d'enterrer la disco, je lui ai imaginé un futur et les gens m'ont suivi durant la décennie extraordinaire qui suivit.
Puis les années 90 sont passées enterrant sans ménagement aucun toute la fulgurance des sonorités futuristes, pour se focaliser sur le présent, celui qui est gris, celui qui est froid. C'est moche mais c'est arrivé.
Alors forcément, quand les Dafts se sont pointé avec Discovery, c'était géant. J'ai senti qu'eux aussi étaient tristes d'avoir enterré la disco. Discovery n'est rien d'autre qu'une version moderne de FHTE, on est d'ailleurs repartis sur une décennie de synthétiseurs, la plus belle chose au monde.
Et puis voilà, on est en 2013, le temps passe, j'ai rasé ma moustache et avec mon inspiration, j'suis un peu plus fatigué et j'n'ai plus l'envie. Il s'est avéré que les Dafts m'ont contacté, ils m'ont dit un truc du genre "Yo Giorgio aide nous on a fait un album tout pourri vient nous sauver du désastre stp".
Au début j'voulais pas, j'pouvais pas croire que leur disque était mauvais. Puis bon, j'ai écouté Give Life Back To Music c'est du mauvais Police donc forcément ça fait mal aux oreilles, aïe, puis Game Of Love j'ai cru mourir. Un truc dégoulinant tellement plat que même Jane Birkin en est dégoûtée. Du coup j'leur ai fait un morceau. Comme j'vous l'ai dis, j'ai plus ma moustache, donc ma fulgurance est partie, comme le veut la règle de la moustache. A la rigueur si j'avais eu une barbe j'aurai pu faire du rock psyché ça aurait été toujours mieux que ça. Mais là, rien, j'ai tout rasé, j'ai les cheveux blanc, j'ai pas de futur à créer, donc bon j'ai fait un truc vite fait, pas terrible mais bon ils avaient l'air content, ils ont collé un vieil interview de moi par dessus, puis "c'est le meilleur morceau de l'album !" qu'ils ont dit.
Bon sang on était pas rendu avec ça.
Et c'était vrai.
Comment est-il possible de faire un album aussi pauvre, je me le demande encore. Y'a rien. Comme je l'ai dis, y'a du mauvais police, mais aussi du mauvais funk, du mauvais Strokes, de la mauvaise disco, du mauvais soft folk, du mauvais truc nul avec Panda Bear, du mauvais Ed Banger. Pas inspiré, sans charisme, sans magie, sans fun, sans fulgurance. De l'accessibilité sans immédiateté, de l'imbitable sans complexité. Tout le long de l'album, un frisson nous parcourt le corps et l'âme d'un cruel sentiment de gêne, gluant et inaltérable.
"Arrêtez tout!" que j'leur ai dis, mais ils ont rien voulu savoir. "C'est un hommage, tu comprends rien t'es trop talentueux pour avoir besoin de te servir d'un si piètre artifice".
Ils ont rendu hommage à leurs aînés en leur crachant à la gueule, ça doit être une coutume française.
Sur ce, j'vous laisse, j'vais réécouter mon From Here To Eternity, et me rappeler qu'à un moment donné, faire un disque voulait dire quelque chose, c'était la concrétisation d'une vision qu'on voulait communiquer.
Bises, Giorgio.