Rapid Eye Movement
7.4
Rapid Eye Movement

Album de Riverside (2007)

L’hiver s’achève, ma dernière critique commence à dater et je n’avais pas repris la plume depuis, à mon grand regret. Cette très chère inspiration, instrument subtil de l’esprit, a dû j’imagine, hiberner plusieurs mois à mes côtés, suffisamment pour que puisse la sentir, l’effleurer presque telle une Eurydice dérobée mais sans pouvoir toutefois la contempler et la saisir comme l’Orphée en moi le voudrais. C’est donc ainsi qu’il me tarde de retourner à la composition, durable cette fois je l’espère, de critiques.


Puisqu’un second choix s’avère nécessaire, je pense avoir de nombreuses raisons de m’attaquer à cet étrange joyau qu’est Rapid Eye Movement. Il s’agit du tout premier album de Riverside que j’ai découvert, et il se trouve que ce fut tout à fait par hasard. C’est rare, quoi qu’en disent ou diront mes notes, mais ma surprise fut totale. En un sens, j’aime le comparer à Fates Warning X (2004), car tous deux m’ont dégagé la même impression que je qualifierai d’album complet, ou achevé, en un certain aspect. Il fait partie de ces inhabituels où aucun, j’insiste bien, aucun morceau ne s’efface, ne se défigure avec le temps ni ne captive l’esprit moins que les autres, alors que le tout se révèle plongé dans une ambiance sérieuse, voire sombre si vous m’autorisez cet adjectif plurivoque. Ici, pour moi, le « tout » est une réussite complète. L’ensemble s’empile comme dans un rêve et, vous le verrez ci-dessous, l’atmosphère si prenante qui me fait ignorer la pesanteur terrestre pour gagner la lune au moins, est encore une fois au rendez-vous.


Cette critique, je la justifie d’une part, et la dédie surtout, à Piotr Grudziński, guitariste du groupe depuis son début, décédé dans son sommeil le mois dernier alors que la tournée se poursuivait. Je ne sais pas quoi dire de plus à ce propos, à part que sa mort m’attriste comme à chaque fois qu’un esprit particulièrement riche et doué (et envoûtant lorsque toute sa créativité se révèle dans les meilleurs conditions), s’en va pour toujours. En ce mois de mars, trois des membres du groupe fêtent leur anniversaire (Mariusz Duda étant né en septembre), mais ils ne sont désormais plus que deux... Je vous invite d’ailleurs à lire ce très bel article qu’a composé Mariusz en son hommage, disponible sur la page Facebook du groupe. On y apprend également une part de l’avenir de Riverside, avec certaines bonnes surprises. (Restez à l’écoute cette année)


Je décortiquerai cet album comme sur ma première critique, c’est-à-dire morceau par morceau, en tâchant toutefois d’être plus précis et méthodique que le précédent. J’ai jugé bon de procéder de surcroît à une écoute minutieuse de chaque morceau pendant la composition de cette critique. Pour la musique progressive notamment, il me semble trop facile de passer à côté de petits détails pour que je me risque à passer en force. En terme de genre, pas de surprise : un mélange subtil de rock et de métal baignant dans un bain aux senteurs progressives qui imprègnent immédiatement chacun des deux univers mitoyens. (J’en justifierai cela plus tard, car j’ai encore bien des choses à dire sur la musique en général, et bien évidemment sur mes genres de prédilection)


Voici donc la première partie de l’album : « Fearless », sans peur, pourtant il y en aura beaucoup, de peur. Beyond the Eyelids : Voilà pourquoi je classe également cet album dans la catégorie : premier morceau = ambiance particulière (et non générale, mais seulement si vous me saisissez sur ce coup-là) de l’album. Il suffit des premières mesures pour savoir immédiatement à quoi on aura affaire tout du long. Les claviers, indispensables et pénétrants, s’affichent en premier, couplés à un rythme diabolique qui s’arme patiemment. Une voix lascive, encore lointaine, qui se rapprochera tardivement, laissant d’abord place à une partie instrumentale d’introduction acharnée. Le thème se répète, assez pour accrocher cette fois-ci l’auditeur avec vigueur ; si l’on avait pu vouloir essayer auparavant, il sera dorénavant peu probable de pouvoir s’en détacher. Toute cette partie, deux bonnes minutes, suffit à présenter le quatuor comme un groupe sérieux, mature, efficace, et surtout technique. Il y a tout ce qu’il faut pour un plat réussi, et surtout, cette ambiance terrible qui nous fait sentir cette odeur de gravité planant dans l’air tout autour de nous. Pour ma part, en regardant au dehors, ce calme, cette absence de lumière alors que la nuit tombe, sachant toutefois me trouver autour d’un monde, je m’imagine tout cela comme à l’aube d’un changement majeur mais néanmoins discret, sur le point de frapper tout le monde et personne à la fois sans que quiconque puisse rien soupçonner. Cette liberté que prend le clavier à la troisième minute, se séparant de sa symbiose avec la guitare, voire même de la basse, pour qu’on l’entende plus distinctement, me donne en tout cas cette sensation, et la justifie. Et ça y est, toute la machine se déroule progressivement. La guitare a prit son rythme implacable, qu’elle tiendra de façon identique dans bien d’autres morceaux (nuancez le sens d’identique, bien entendu, cela rejoint le sens de « particulier » employé au-dessus). Enfin le clavier termine sa course pour retrouver ses chaines (sans n’être jamais que l’esclave de son Tout), puis ce Tout justement s’amplifie pour présenter Mariusz, au chant, et ses thèmes mystiques. D’ailleurs tous ces titres évoquent beaucoup et à la fois très peu, tant ils se veulent poétiques, ou du moins c’est ce que je leur attribue, nous y reviendrons plus tard. Bref, Beyond the Eyelids, c’est surtout une magnifique introduction à la senteur de l’album, une incroyable façon de présenter chaque instrument. Les thèmes se répètent en variantes, parfois plus amplifiés, presque violents (le passage au second complet notamment, car la guitare y met la dose). On remarquera la basse, qui aura le droit à de nombreuses apparitions bien distinctes, comme si dans un jeu vidéo, un bonus amassé lui permettait de doubler de volume en apparence pour marquer des points. (Un premier coche entre les deux phrases du deuxième couplet, simple mais efficace, qui déclenche un bref sourire aux lèvres ; il y en aura beaucoup d’autres et on s’y attend : c’est aussi pour cela que l’on sourit déjà). Vocalement, Mariusz est au top. Voix délicate, plus concentrée que dans Ghost (qui usait d’une torpeur hypnotique : voir critique précédente), mais gardant un esprit mélancolique qui, couplée à l’ambiance « grave » que j’ai déjà évoquée (écoutez donc le solo final du morceau pour vous en convaincre si ce n’est déjà fait), fait des miracles. Il sait aussi nous prouver que sa voix délicate possède une certaine puissance, car on remarquera souvent son réveil brusque, inattendu, à la fin d’un couplet ou d’un morceau. Un cri sec, guerrier, une poussée vocale rarement aussi bien employée dans un contexte très favorable sans pour autant qu’on l’attende en avance. Poursuivons si vous avez lu jusque-là.


Rainbow Box. Ça y est, le mystique se révèle enfin, cette fois les yeux ouverts (plus besoin de paupières !). Un plongeon direct, addictif, comme une boîte de médicaments. (Amusant d’ailleurs, que dans le texte leur couleur dessine les françaises ; qu’y a-t-il à découvrir par-là ?) Les textes ici sont magiques ; j’ai sensiblement eu l’impression d’écouter un toxicomane, délirant et parfois lucide, m’expliquer le mode d’emploi d’une vie arc-en-ciel, ou pour enfin pouvoir toucher ce chaudron brûlant caché là, quelque part à l’horizon. Rien de plus vivant selon lui ? Je veux bien le croire. Musicalement ça colle parfaitement aussi. Ces excès énergiques après chaque refrain, ces attaques au cœur jouées par la basse au tout début qui se répèteront avec la guitare tout du long, les simples effets aux claviers joueront les hallucinations, et nous voilà partis faire le tour d’un monde qui tourne, et tourne encore, où les visages s’entrecroisent, se mélangent et s’additionnent par cette lumière blanche qui jamais ne faiblit de jour. À un moment, c’est l’arrêt cardiaque : on ne respire plus. Basse et guitare se joignent, clavier s’évapore très lentement. La vie de plus en plus s’échappe, les jointures se poursuivent, le clavier revient, et tac ! Réveil brusque, libérateur, vers un refrain terminal tellement espéré quelques instants avant ! Mariusz achève sa crise paranoïaque – j’aime l’idée qu’il incarne le protagoniste du morceau, dans la mesure où il en est le chanteur ; comme une pièce de théâtre – par un cri percutant, à nouveau. Un régal, car il ne s’y attarde pas (non, le cœur s’accélère sporadiquement). Nous voilà sortis d’une crise épileptique. Mais vers quoi se dirige-t-on finalement… ?


02 Panic Room. Finalement, la descente se poursuit : Isolation, panique, introversion. Dans les méandres de l’anti-être, où un abri se dessine douloureusement comme une salvation mirage dans un désert de plaintes. Une basse morcelée, agressive : ce sont les plaintes qui arrivent à grand pas. Car, laissant marcher le rêveur solitaire dans un solo délicieux mais nécessairement court, voici venir la guitare et son rythme absolument percutant, démentiel. On l’accompagne d’un mouvement non contrôlé de la tête – merci à la batterie de soutenir la cadence comme aux galères ; ces notes, ce rythme remplace notre cœur battant, comme un pacemaker (ou peace-maker, je ne sais plus, car voici un abri devant moi au bruit des guitares qui s’en vont jouer plus loin). Confronté à notre être, on dépasse les bornes, on ne sait plus qui nous sommes ni où nous nous trouvons. Mais le bref temps où les plaintes se taisent, bien que le vent se lève toujours (gloire à la basse), on ne voit que lui : cet abri, inaccessible mais plus proche à chaque instant. On l’implore, alors qu’obnubilé par sa présence on en oublie les plaintes qui reviennent à grand pas. (Sentez le refrain et ses guitares se rapprocher plus les couplets progressent. On redoute l’inévitable en somme.) Une voix décidément délicieuse, qui diminue avec des fade-out réussis. Ce désert n’en finit pas, car l’instant où les guitares s’en iront, ce sera purement la fin du morceau, aucun répit avant. Je n’ai jamais autant apprécié me projeter dans un désert empli de mystères.


Et puis non. Sans prévenir, alors qu’on se croyait libéré, voilà que l’on change de lieu, mais que la panique est encore là. On ne change pas de morceau. (Est-ce implicite au titre, faut-il comprendre « deux » et non « deuxième » : entrerions-nous dans une seconde pièce ?) Et on a pourtant quitté le désert. Au fond, les couleurs se sont tues, on ne marche plus. On s’arrête pour respirer. Plus de batterie, plus de basse, mais un piano – première arrivée, et une guitare décidément bien étrange. On dirait bien que le protagoniste est devenu lui aussi, malgré son désir de s’échapper… une Plainte, comme les autres le sont devenus. On ne le voit bientôt plus… Courte interlude.


Qu’y a-t-il de plus prenant pour coller à la thématique de l’album ? (Souvenez-vous du titre) Schizophrenic Prayer. J’ai l’impression que Riverside a complètement décomposé la conscience et l’esprit humain pour l’aborder détail par détail, avec une volonté et une fermeté incomparable. Je ne sais plus du tout où j’en suis, je sais juste que la critique s’allonge, s’étire encore doucement. Vous êtes toujours avec moi ? La batterie est calme, la guitare l’accompagne frénétiquement mais très doucement, comme un rat se faufilerait dans des tuyaux sans fin. Et plus on écoute Mariusz, plus on en apprend sur nous-mêmes, un nous qui prend, sépare et rassemble le « je » comme le « tu ». (Philosophe à mes heures perdues, me croiriez-vous ?) Ambiance posée par les claviers : l’idéal pour une transition douce, sans que l’on soit tranquille pour autant. C’est ainsi que, rassuré dans un premier temps par les paroles d’un soutien interne et intime jusqu’à l’achèvement du second refrain, nous retombons tragiquement, fatalement dans notre schizophrénie bouillonnante. Cette voix lascive gardée de la partie précédente, mêlée d’étranges onomatopées (en stéréo c’est encore plus parfait) qui témoigne de cette maladie qui nous ronge. On se désintègre à petit feu, par passages, car cette première voix domine toutefois les autres. Enfin vient le grand départ : la guitare s’épaissit, la batterie se réveille, les effets se multiplient. Pour autant, ce seront les voix dans notre tête, qui résonnent encore, qui vont venir clôturer ce morceau troublant, décidément indomptables.


Parasomnia. C’est la renaissance. On est enfin parvenu à sortir de notre tête, revoir le monde réel. En apparence seulement ? Un amnésique au réveil, le trouble se dessine. Se termine donc la première partie de l’album avec ce morceau qui débute a cappella, où atterrissent les claviers qui font l’effet d’une goutte de pluie, isolée, incontrôlable dans un ciel bleu radieux, qui percute le sol brutalement, restant perçue au ralenti. Qu’annonce-t-elle donc ? Les pensées se bousculent au fur et à mesure que la basse abat les murs, sauvagement. C’est la nuit, les claviers l’affirment. L’orgue, enfin, fait surface puissamment dans l’album. Tout est accentué, on sent le protagoniste se perdre, n’arrivant plus à déterminer le vrai du faux. Troisième frappe à la voix, qui démarre la tournure. Impeccable. Décidément, il n’y a rien à redire. L’apothéose du morceau, c’est ce ressaut d’humeur qui décolle avec la guitare en solo, et la basse qui la suit sans faute. (On la distingue à la perfection sur cet album !) Se mélangent ensuite effets de perdition, guitare agressive, voix d’appel au secours, retour à la raison, et retour à la goutte d’eau. Qu’est-ce qui se passe, concrètement ? On se pose la question, à l’instant même – synchronisation parfaite – où l’aube pointe son nez. Le soleil illumine la fenêtre, on se sent revivre, on retrouve confiance. Le trio voix rassurante et guitare calme et claviers de réveil, la dose nécessaire pour sourire à nouveau. Seule la batterie a continué sa route, que peut-elle bien représenter ici ? Que le cœur n’a pas ralenti pour autant… ? Un autre solo, on s’attend à la fin, assis, les larmes aux yeux peut-être, d’avoir pu rassembler les pièces du puzzle. On pense à nouveau. Chuchotements. C’est si beau de s’entendre, doit-on penser…


Retour à l’illusion ? Cette aube radieuse, cette illumination ? Tout cela n’était-ce qu’un rêve ? En tout cas, le thème d’inquiétude reprend ses droits. On a alors un instrumental très bien ficelé, rassemblant des moments déjà passés, l’orgue revient, Mariusz attaque encore : comme lui on a une envie irrépressible de crier notre détresse. D’autres effets, je pense que là les pensées, si confuses déjà, s’entremêlent frénétiquement jusqu’à nous perdre, jusqu’à l’évanouissement.


Je suis long, je sais. Je ne peux me résoudre à limiter mes pensées, alors que j’écoute attentivement chaque passage. C’est bien trop tentant. Comprenez-moi. On attaque la seconde partie, curieusement intitulée « Fearland », alors que ses premiers morceaux sont plus doux et modérés que la première partie de l’album (comme si les horreurs se tapissaient dans l’ombre, laissant l’aventurier insouciant réfléchir naïvement le temps pour elles d’attendre le bon moment). Through the Other Side. Il semble que la perte de connaissance nous amène dans un autre rêve, peut-être un vrai (comparé au cauchemar d’avant). On se redécouvre doucement, comme un nouveau-né. On réapprend tout : à marcher, à penser, à parler, à écouter surtout. Ici le morceau est purement transitoire. Très calme, étiré, une détente longuement maturée pour ainsi dire.


Embryonic. En parlant de nouveau-né (je n’avais même pas fait attention), voici la suite. Même recette qu’au morceau précédent, avec un tempo ralenti, comme si on le jouait pour un enfant (voire un embryon ?)... Mariusz est ici à la guitare et au chant à la fois, seul au départ. Peu d’accompagnements, surtout des claviers. La transition est enfin achevée. Qu’est-ce qui nous attend alors ?


Cybernetic Pillow. Ressentir la douleur. Tout recommence, encore une fois. On l’avait déjà oublié (je l’ai dit, la transition fut parfaitement orchestrée), c’est comme sortir sans parapluie sous un déluge, simplement parce qu’on s’était mis en tête qu’il ne pleuvait plus. Plus de questions, retour sur l’oreiller. On est alors entrainé de force, sans pouvoir se débattre. Au moins on ne pense plus à deux pour un seul, c’est déjà ça. Un morceau plus mûr peut-être que le tout premier de l’album, mais en voilà un qui résume exactement la teneur de l’album dans son ensemble. Sans être un tube, il y a tous les ingrédients pour se dire « Voilà du pur Riverside », ou à défaut « Voici un pur et rapide mouvement de l’œil ». Petite séparation.


C’est l’heure du final (vous allez pouvoir souffler, bientôt). Ultimate Trip. Ça porte bien son nom. Nous voilà aux portes de la vérité. La batterie se garnit, le soleil se couche sur un solo à l’horizon ; la basse ici sera déterminante, mais le sait-on déjà à ce moment ? Un trip fort sur des guitares puissantes, toute la première partie fait l’effet d’une rétrospection mais plus d’une introspection. On a les souvenirs d’avant : que doit-on en faire ? Deuxième solo, hésitation. Décollage aux claviers (depuis le temps qu’on attendait pareille sortie de Michał… bouffée de libération), et puis la fin se rapproche, au fur et à mesure que l’on monte les marches vers « en haut ». C’est ici je pense, qu’on pourra effectivement sentir l’arrivée au premier plan de la basse, car les guitares s’éteignent, la solo subsiste un peu plus mais laisse place bientôt à une voix connectée et un duo absolument magique prend alors place – Symbiose voix-basse, à l’unisson. C’est rare, avouons-le. La guitare solo accompagne mais ne guide plus la marche, et tout cela est fabuleux. Mais la voilà qui s’en aperçoit également, et tente de se frayer un chemin. Trop tard : nouveau couplet, on recommence l’opération. Chuchotements. C’est là que l’on comprend mieux où la décomposition de l’album a voulu en venir (« Fearless on Top, Fearland at Heart »), tout est lié. On replace nos billes le temps de lancer quelques guitares, un cri puissant, décisif. Le calme revient. On s’attend à ce qu’il ne reste pas, on s’y prépare déjà, on entend les instruments revenir. Et puis… Rien. L’apesanteur survient. Les choses lévitent, calmement, sans que rien ne trouble cet ordre étrange. Alternance guitare solo, et voix-claviers ensemble. Rien de mieux pour se détendre enfin (en fin de course), et fermer les yeux pour de bon.


Une mention particulière pour l’album bonus qui contient cinq pistes supplémentaires, dont deux versions alternatives (Behind the Eyelids, très reposante, et un remix de 02 Panic Room très curieuse, et très « chuchotée »). Pas suffisant pour figurer sur l’album directement (y restait-il de la place de toute manière ?), notamment parce que celui-ci est déjà totalement abouti selon moi, ensuite parce que l’ambiance se décale légèrement vers une ambiance post-épisodes. C’est là qu’il se positionne, et c’est très bien. C’est comme si tous les évènements s’étaient produits, et qu’arrivait alors l’épilogue, après la paix. Il n’y a plus personne, le soleil se recouche. On miroite l’horizon pour méditer avec en tête les défaites passées mais surtout les victoires présentes : On est encore là. Lucid Dream IV est un peu comme un Cybernetic Pillow : toujours énergique, quoiqu’avec un peu plus de solos (et une présence appuyée des claviers ; on a même droit à un solo vers la fin). Une demi-heure d’album supplémentaire : il y a de quoi se réjouir, d’autant qu’il vaut véritablement l’écoute. (Il arrive souvent que les CDs bonus soient rembourrés par des démos sans grand intérêt sauf pour les grands fans, ce qui n’est définitivement pas le cas ici.) On a ensuite droit à un bel hommage à Pink Floyd avec Back to the River, où le groupe s’adonne à reprendre des passages de Shine on You Crazy Diamond tout en laissant une patte Riverside en son sein. Un atmosphérique complet, je l’ai trouvé très noble et sans prétention – l’enregistrement studio a dû être sacrément sympathique. Enfin on clôture par le titre homonyme de l’album : Rapid Eye Movement. Une entrée plus expérimentale, des pads très présents, langoureux. Dans l’ensemble c’est un peu la continuation légèrement plus détachée du morceau précédent, avec de nouveau des chuchotements étranges et un clavier mêlant lead continu et effets à la volée. C’est un instrumental très étiré quoiqu’on sente légèrement l’aspect ‘matériel mis de côté’ pendant le mixage de l’album. Ça reste au final assez expérimental, l’ambiance restant très agréable. (J’y sens parfois des mélanges Pink Floyd et Tangerine Dream). Je l’écouterai moins que l’album lui-même sans doute mais ne rechignerai pas à poursuivre sur ma lancée au cas où ma faim ne serait pas rassasiée par une heure de Riverside (ça arrive fréquemment je vous (r)assure)…


Ainsi s’achève l’ensemble démentiel qui nous a captivés pendant une bonne heure. Perfection ! La batterie a joué un rôle solide – on ne lui a pas vraiment demandé plus mais tout était véritablement clair, limpide, utile. Mariusz est quant à lui un compositeur décidément très talentueux (je vous invite d’ailleurs à écouter ses albums solo sous Lunatic Soul, moins axés Métal mais plus exotiques). Au reste, on n’oubliera certainement pas la guitare qui a réussi à régler les morceaux mieux qu’une minuterie professionnelle, ni les claviers qui ont su mêler atmosphère idéale et prise de risque (et de liberté) dans des attaques bien portées. Les textes sont particulièrement piquants, profonds, incroyablement riches pour peu qu’on leur accorde une attention soutenue. Voici donc un quatuor sans faille, que rien ne semblait pouvoir troubler… J’ai du mal à imaginer qu’un autre Riverside puisse dépasser la qualité de celui-ci, mais je crois que ce groupe me réserve encore bien des surprises. (Je me réserve notamment leur dernier pour un prochain voyage).


J’imagine que certains n’auront pas lu jusqu’au bout. Je m’en excuse. J’ai tenu à restituer l’expérience que j’ai vécue en écoutant cet album, en développant un peu plus mes propos que sur ma critique précédente ; inévitablement les lignes se sont étirées, les descriptions augmentées, etc. J’ai décidé de ne rien couper. Voyons où cela nous mènera. Je pense que la prochaine partie sera tout de même raccourcie (j’ai bien dû passer quatre heures à composer, en comptant la relecture). Mais liberté oblige, je poursuivrai comme bon me semble, si vous me permettez (sinon tant pis, je ferai quand même).

Créée

le 21 mars 2016

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