Lâcheté et mensonges
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L’an dernier, nous étions tombés sous le charme du précédent album de The Murlocs, Bittersweet Demons, mélange instable de de glam rock, de country et de pop mélodique, en n’étant pas totalement surpris de trouver dans le groupe le remarquable Ambrose Kenny-Smith, l’un des membres majeurs de nos très chers King Gizzard & The Lizard Wizard. Si l’actualité surabondante du côté du roi gésier ont retardé notre écoute de Rapscallion, le nouvel album de The Murlocs, ne faisons pas durer le suspense plus longtemps : le sixième album des Australiens encore meilleur que leur cinquième, et marque surtout un très clair pas en avant dans leurs ambitions : car il ne s’agit ni plus moins cette fois que d’un « concept album », vieille lune du rock progressif et opératique des années 70 qui a réapparu au firmament de la musique contemporaine (en particulier chez King Gizzard, donc…) !
Rassurons tout de suite les amoureux de rock simple, direct, fun avant tout qui appréciaient l’approche musicale décontractée de The Murlocs, et que cette histoire de concept album (on n’a pas dit « opéra rock », tranquillisez-vous !) effraierait, il n’y a rien de prétentieux dans cette histoire : Kenny-Smith a tout de suite expliqué que la naissance de cet album a été avant tout le fruit de l’opportunité pour le groupe de continuer à travailler ensemble dans la foulée de la réalisation de son prédécesseur, du fait du confinement qui se poursuivait en Australie et empêchait les groupes de tournée. Pour un groupe comme The Murlocs qui ne pouvait exister que dans les rares interstices laissés par la suractivité de King Gizzard, la pandémie a constitué une chance d’exister de manière plus structurée, plus ambitieuse, et nous en tenons aujourd’hui entre les mains l’impressionnant résultat.
Par contre, l’aspect éminemment personnel de la musique créée par Kenny-Smith dans le cadre offert par The Murlocs, qui a toujours été là, est cette fois encore plus prépondérant : le protagoniste de Rapscallion (ce qui signifie littéralement « vaurien ») est largement inspiré de sa propre jeunesse (ainsi que de celle de Cal Shortal, guitariste du groupe), et raconte des épisodes vécus – bien entendu partiellement transformés pour la beauté du geste… Voici donc l’histoire d’un très jeune homme – slacker, glandeur, skater… - qui part sur la route, en direction de la grande ville, pour échapper à une existence trop ennuyeuse dans un bled du fin fond de l’Australie…
« Teenage hitchhiker invisible thumb / Cars pass him by like the formula 1 / The truckers honk their horns cause they’re looking for fun » (Pouce invisible d'auto-stoppeur adolescent / Les voitures le dépassent comme des formule 1 / Les camionneurs klaxonnent juste pour s'amuser) – Bellarine Ballerina
Tout au long de l’album, notre héros va donc vivre toutes les aventures auxquelles on peut s’attendre : (tous) petits délits pour s’en sortir qui prennent l’allure de grosses transgressions (Virgin Criminal), rencontres étranges ou inquiétantes au long du périple (Wickr Man), vieux réactionnaires croisés en chemin qui ne l’apprécient pas, amis ou amoureuses junkies morts d’overdose (The Ballad of Peggy Mae) : rien de nouveau sous le soleil, certes, mais aussi que du vécu, du… purement, vraiment rock’n’roll ! Et la conclusion de toute cette aventure ne ressemble pas particulièrement à un happy end : « Grow, growing pains remains engrained » (Ces douleurs de croissance continuent à grandir, elles restent ancrées), est la conclusion poignante d’une histoire qui n’était donc pas si anodine que ça.
Musicalement, Rapscallion est une véritable bombe, débutant par trois tueries glam rock / power pop / garage (Subsidiary, Bellarine Ballerina et Living Under a Rock), avant d’adopter belle une vitesse de croisière, et de s’envoler dans la dernière ligne droite : Wickr Man, sommet de l’album, est irrésistible, Growing Pains est une conclusion parfaite, toute en lyrisme retenu…
Bref, Rapscallion, vous l’avez compris, est l’album qui matérialise l’accession de The Murlocks à un statut de véritable groupe, et non plus de « second projet » d’un musicien de King Gizzard. Ne le manquez pas !
[Critique écrite en 2022]
Retrouvez cette critique et ben d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2022/10/17/the-murlocs-rapscallion-un-vaurien-sur-la-route/
Créée
le 23 oct. 2022
Critique lue 34 fois
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