David Gilmour, voix et principal leader du légendaire groupe des Pink Floyd, revient à 69 ans avec un nouvel album. En tant que fan absolu de la formation de rock progressif je me devais d'accorder une écoute à ce nouvel opus, c'est-à-dire ce qui reste aujourd'hui de l'âme des Pink Floyd.
L'album se compose d'abord de 5 AM, un morceau envoûtant, doux, beau. Accompagné par un orchestre de chambre, dirigé par Zbigniew Preisner - dont on retrouve la musique dans le film The Tree of Life (la fameuse scène de la création de l'univers) et qui avait déjà collaboré avec Gilmour avec le passé, l'album commence doucement, avec un instrumental cristallin, à la manière d'un Marooned, morceau emblématique de l'album The Divison Bell, sorti il y a déjà plus de vingt ans... Je me dis à ce moment-là que Gilmour n'a rien perdu de sa guitare et le reste de l'album le confirme et que la collaboration avec ce chef d'orchestre et de compositeur est de grande classe.
Rattle that Lock est morceau dansant utilisant le jingle de la SNCF. David Gilmour lors d'un voyage en France aurait apprécié cette mélodie de quatre notes et en a fait un morceau de rock progressif, assez décevant, car je trouve personnellement le jingle assez agaçant et malgré un joli solo de guitare et un choeur composé d'anciens prisonniers, il n'y a rien de fabuleux. La promotion autour de ce morceau a masqué quelque peu la qualité véritable d'autres morceaux présents dans l'album.
Les vrais perles de l'album sont les morceaux suivants : Faces of Stone, avec un solo de guitare excellent, chanson triste dédiée à la mère du guitariste, A Boat Lies Waiting fait inexorablement penser à Richard Wright, le claviériste des Pink Floyd, avec une ligne mélodique au piano, jouée ici par le fils de David Gilmour. Les choeurs couvrent sans cesse la voix de Gilmour qui est overdubée sans arrêt comme pour masquer une voix de vieillard, essoufflée et qui a perdu de sa superbe. Et malheureusement c'est le cas sur tout l'album. Le morceau reste cependant très agréable à l'écoute, et très sage, comme si les orages rock du passé s'étaient dissipés. Dancing Right In Front of Me est à cet égard plus violent, avec un riff plus cinglant entrecoupé de jolis couplets sous forme de ballade, avec une forte présence du piano, un côté dansant assumé, presque jazz ou blues, et évidement un solo lumineux de Gilmour à la guitare. In Any Tongue est un morceau plus sombre, qui m'a fait penser à Muse, avec cet usage du piano et de la caisse claire. Le morceau est construit sur une montée en puissance progressive. Le meilleur moment de guitare de l'album se cache ici, à en donner quelques frissons, résurgence d'un passé révolu, d'une apogée du rock, avec un solo haut perché, violent, puissant. J'attendais ça. Je l'ai eu. L'ensemble reste cependant sage et très (trop) pop rock.
Beauty est un autre instrumental, encore plus proche de Marooned, très très Pink Floyd, avec Gilmour alternant la pédale Whammy et un son lourd et gras, brut, qui n'est pas sans rappeler la violence de The Wall. Le morceau suivant est déroutant car dans un style très différent, jazz, The Girl In the Yellow Dress. Je trouve globalement l'ambiance excellente, avec notamment l'utilisation de percussions et d'un saxophone, mais le morceau reste assez ennuyant et trop calme. C'est cependant l'occasion d'entendre mieux la voix de Gilmour et force est de constater que le jazz lui sied plutôt bien. Today me rappelle les pires heures de A Momentary Lapse of Reason, son très année 80, démodé selon moi et que quelques saillies vocales ne parviennent pas à sauver. Le morceau final "And Then" conclue l'album par une reprise du thème de 5:AM avec une instrumentalisation plus puissante avant un retour au calme plutôt agréable alternant guitare électrique, guitare acoustique. Gilmour offre un festival de son savoir-faire et il n'y a pas de doute, c'est son style, c'est sa marque de fabrique.
Rattle That Lock forme un album inégal. Les parties vocales sont globalement très moyennes, trop souvent overdubées à mon goût, et masquant mal la voix usée de David Gilmour. L'instrumentalisation est en revanche excellente et variée, Gilmour a invité du monde à collaborer sur le disque : saxophone, piano, orchestre de chambre, diverses percussions et bruitages et puis bien sûr, la guitare, toujours aussi puissante dans les mains de Gilmour qui, à 69 ans, n'a rien perdu de son toucher. Aucun air ou morceau n'est cependant mémorable malgré une certaine diversité : jazz, blues, ballades... L'ensemble est sage, plutôt convenu mais élégant et est traversé par quelques fulgurances qui suscitent chez le fan transi de rock progressif et des Pink Floyd quelques frissons et émotions nostalgiques.
Malgré tout, qu'est-ce que je suis triste de ne pouvoir voir tout ça en live...