Renaud
4.2
Renaud

Album de Renaud (2016)

Renaud, phénix sans flingue, sincèrement humain

Critique et extraits: http://branchesculture.com/2016/04/07/critique-renaud-phenix-nouvel-album-2016/


« Peu importe le timbre, peu importe l’enveloppe, pourvu que la lettre soit jolie« . C’est par ces mots d’Oscar Wilde que Renaud conclut le livret de ces textes. Une phrase pleine de justesse qui ne pouvait qu’aller comme un gant à celui qui répond désormais au surnom du « phénix ». Car, c’est l’un des avantages de la précommande, l’album tant attendu est arrivé ce matin. Avec un jour d’avance sur la sortie officielle. Et force est de constater qu’il est diablement enthousiasmant. Sincèrement, infiniment et tintintin.


Coupez la télé, fermez les gazettes qui titrent toujours aussi mal leurs interviews de Renaud (dont voilà quelques exemples choisis sacrifiés à la loi du buzz et reflétant très peu voire nullement le ton des interviews accordées: « Renaud et la gauche socialiste, c’est fini« , « Je n’aime pas beaucoup Stromae » ou encore « Jamais on n’a vu Jean-Jacques Goldman, qui a un tel pouvoir, un tel talent, dénoncer une injustice« ). C’est vrai que ce retour, on l’aurait encore plus apprécié si Renaud avait suivi à la lettre ce qu’il disait des médias sur son premier single, Toujours debout. « J’fais plus les télés, j’ai même pas internet, Arrêté de parler aux radios, aux gazettes. Ils m’ont cru disparu, on me croit oublié. Dites à ces trous du cul, j’continue d’chanter« . Hé oui, les vautours médiatiques sont revenus à la charge ne voyant le Renard qu’à travers le prisme du flingueur sachant flinguer gratuitement. Au point même de faire parfois douter les fans. Voilà le coup de gueule est passé, on peut s’intéresser au seul objet de nos désirs: l’album.


Car oui, après des semaines à s’impatienter, le nouvel opus du chanteur, peut-être un peu moins énervant et énervé, vient d’arriver. Surprenant, tendre et plus que jamais humain. Le flingue a été rangé le temps de 14 chansons mais reste toujours à portée. Car l’exploit est ailleurs, le retour fut lent, long et difficile, porté sans doute par l’amour des fans. Renaud, légendaire, a bien choisi son surnom de Phénix, plus brûlant d’humanité que jamais. Et moi qui ne suis que de la deuxième génération (allez, peut-être même la troisième), qui ne suis pas né sous les signe de l’Hexagone (mais pas bien loin quand même), j’ai été touché, ému par cet album où coule l’encre de la sincérité, le sang d’un homme qui malgré ses tourments, ses épreuves, renaît, une nouvelle fois.


Une nouvelle belle fois, pas une fois de trop comme certains on pu le dire lorsque le premier single fut dévoilé. Bon, c’est vrai, malgré tout l’enthousiasme de voir un Renaud nouveau, lavé de l’alcool et de la détresse, débarquer; on ne pouvait s’empêcher de voir ce Toujours debout chavirer, un peu maladroit, un peu de guingois. Loin s’en faut, ce premier titre n’était pas le meilleur de Renaud (loin de là) mais le coeur y était et l’envie aussi. Ça faisait longtemps. Et cette chanson, mieux valait la prendre comme un péché de jeunesse de ce (re)nouveau départ. Elle ne faisait qu’annoncer et promettre le meilleur.


Le meilleur après le pire car Renaud revient certes de bonne humeur mais aussi marqué par les récents attentats. En témoignent deux chansons magnifiques. La première ouvre le disque et est emblématique: J’ai embrassé un flic. Symbole quand on pense à Billy Brouillard et tous les flicards que le chanteur a pu écorner au cours de sa jeune carrière. La musique entraînante d’Ohayon donne le ton. Avant même les premières paroles, on a retrouvé le Renaud d’antan qui sait tatouer de joie et d’optimisme les pires pans de l’humanité. Le texte convaincant revient sans concession sur la grande marche parisienne contre le terrorisme et pour la paix de janvier 2015. Qu’il est bon ce Renaud. Plus loin, avec le même compositeur, Renaud se fait plus tragique et nous plonge dans les rayons de l’horreur de l’Hyper Cacher. L’émotion est intense, à fleur de peau et Renaud a cette phrase une nouvelle fois emblématique au vu des propos qu’il a pu tenir par le passé: "Qu’ils reposent à Israël, sur la terre de leurs pères, au soleil d’Israël."


Passé cet intermède douloureux, force est de constater que les récents événements ne sont pas les seuls à avoir inspiré le Phénix. Encore fallait-il qu’il trouve les Mots. Dès le deuxième titre de l’opus, sublime, on en a la confirmation: Renaud « libre comme un oiseau » a retrouvé sa baguette… sa plume magique. Et lui même semble ne pas en revenir. Pourtant. On part à Venise avec sa petite-fille, la tendre Héloïse (chanson écrite à quatre mains, entre générations, avec Renan Luce sur une musique d’Ohayon) qu’il veut préserver des malheurs du monde. Malone n’est pas en reste. On connaissait Ma Batterie (ZE titre de la renaissance grâce à Grand Corps Malade, ici réinstrumentalisé et rechanté avec une voix qui a pu s’émanciper de l’outre-tombe), voilà le très touchant Petit Bonhomme qui voit le retour aux affaires « séchanesques » de « Titi » Bucolo. Renaud nous y raconte toute l’énergie qu’il a pu retirer de la présence de son fils. « Malone, j’aimerais que tu me donnes un grand amour qui résonne. » Le texte résiste aux facilités (cfr. le passage dédié à ses fans sur Toujours Vivant, seule vraie fausse note de l’album) et bouleverse.


Puis, il y a Dylan, mis en musique par Alain Lanty et donné à Romane Serda, il y a quelques années. Une chanson de deuil sur un jeune homme mort d’un accident de la route au sortir d’une boîte de nuit. Infiniment touchant, Renaud se veut pudique en parlant de la cause de la Petit fille slave, victime de l’esclavage sexuel. Quotidien désenchanté et noirceur sur laquelle le chanteur fait lumière.


Bon, comme dans un Monopoly de l’ennui, Renaud évoque aussi son passage par la case « prison », La nuit en taule est décalé, rendant la liberté encore plus appréciable. L’humour revient peu à peu, même s’il n’est pas le ressort principal de cet album (sans doute est-il trop tôt) avec Mon Anniv’. L‘artiste n’en est pas vraiment fan mais n’est pas contre en fêter un par an à partir de ses… cent ans. On ne peut que le lui souhaiter, et qu’il mette toutes les chances de son côté, surtout. Mais voilà que la nostalgie reprend le brave homme. Vous savez celle qui n’a jamais quitté le chanteur, l’a emmené dans ses (dé)boires, dans l’enfer, celle du paradis perdu. La vie est moche et c’est trop court, et Renaud fait son examen de conscience, désabusée biographie d’un homme qui se demande pourquoi le désespoir est tombé sur lui. Sans doute, la chanson la plus introspective que Renaud ait écrite et c’est très réussi, vibrant.


Alors certes, la voix est moins impériale. Mais l’a-t-elle été un jour? Et au fil des chansons, on s’imagine fort en faire un puzzle et reconstituer la chronologie des enregistrements. Car, c’est une évidence, Renaud va mieux et sa voix en est le témoin. Il suffit de réentendre sa voix de l’été 2015, empâtée, complètement alcoolisée, endormie, caverneuse. Puis la première version de ma Batterie. Mais un signe avait été donné par les multiples interventions de Renaud dans les concerts d’I Murvrini. À chaque fois qu’ils reprenaient Mistral Gagnant ou la Ballade nord-irlandaise, la voix du loubard reprenait de son tonus, de sa texture si particulière. Un très bon signe pour la tournée à venir. Quant à l’album, qu’importe la façon dont il est chanté, le « vrai » et le « vécu » ne sont-ils pas ce qui importe le plus? Et qu’est-ce que ça fait du bien quand on entend les chansons sans beaucoup d’importance qui se hissent en tête des hits. D’autant plus que beaucoup des chansons du nouvel album poussent très vite l’auditeur à les chantonner. Renaud risque donc d’avoir une belle chorale lors de ses concerts!


Mises ensemble, ces chansons originales et pas toujours attendues réussissent un très joli album, sincère comme jamais. Renaud y parle avant de lui, de ce qui l’entoure. Loin du désert du Dakar, loin des Farcs de Colombie, de ses combats d’antan (et de demain, on est certain), le chanteur s’est offert une parenthèse, un retour à l’essentiel. C’est dans sa rue qu’il nous emmène, sans fioriture, sans enluminures mais avec les mots qui nous font l’apprécier. Son flingue à rimes, il l’a laissé dans le tiroir, on espère qu’il en ressortira pour un prochain album. Mais pour l’heure, on apprécie d’autant plus cet album, car Renaud n’est pas qu’un dézingueur de service, et il le prouve de manière impériale. Ainsi désarmé, il nous désarme. Avec Renaud, le poète des temps moderne est de retour. Un retour moins tonitruant qu’en grand délicatesse, exorcisé et humain, plus que jamais, tellement.

Alexis_Seny
8
Écrit par

Créée

le 8 avr. 2016

Critique lue 3K fois

12 j'aime

3 commentaires

Alexis Seny

Écrit par

Critique lue 3K fois

12
3

D'autres avis sur Renaud

Renaud
villou
2

Allez, déconne pas Renaud.

Ben mon vieux, je suis sans voix. Pas autant que toi, mais quand même. On se connaît depuis combien de temps, Sans dec? Je dirais que ça fait 30 piges qu’on partage le même HLM. 30 piges bordel, ça...

le 27 avr. 2016

79 j'aime

22

Renaud
Jambalaya
3

Regarde l'Homme Tomber...

Renaud je t'aimais, puis je t'aimais bien, aujourd'hui je te tolère tout juste par respect pour ta carrière...passée. Sérieusement, je crois que l'alcool t'as dévoré le cerveau, en particulier le...

le 9 avr. 2016

52 j'aime

15

Renaud
Specliseur
5

Boucan d'enfer, le retour

Fan du chanteur depuis près de vingt cinq ans, je ne peux que m'indigner devant cet album médiocre. Depuis qu'il a viré bobo et qu'il ballade ses états désabusés en bandoulière, Renaud est chiant...

le 9 avr. 2016

18 j'aime

12

Du même critique