Chers amis de Sens critique ceci est une nouvelle déclinée en épisodes et imprégnée du contexte de la guerre en Ukraine qui pourrait si j'en avais le temps dériver en roman. A chaque séance d'écriture je baigne dans l'écoute du disque (ou du groupe) excellent que j'utilise pour trouver mes mots. Uniquement des musiques explosives. Si vous en avez le temps je serai enchanté de recevoir vos critiques ou plutôt, devrais-je dire vos ressentis, vos avis. Vos conseils seront aussi les bienvenus.
Bien à vous et merci !
Episode 1 ici : https://www.senscritique.com/album/parrhesia/critique/266840369
Episode 2 ici : https://www.senscritique.com/album/weightless/critique/266878880
Episode 3 ici : https://www.senscritique.com/album/the_madness_of_many/critique/266822733 Episode 4 ici : https://www.senscritique.com/album/the_joy_of_motion/critique/220021677
Episode 5 ici : https://www.senscritique.com/album/omelette_du_fromage/critique/267274444
Episode 6 ici : https://www.senscritique.com/album/fear_inoculum/critique/267544035
Episode 7 ici : https://www.senscritique.com/album/closet_disco_queen/critique/248220173
Episode 8 :
Kalyna enlaça tendrement sa fille chérie. Lilia se laissa aller contre sa mère mais elle n’arrivait pas à empêcher ses yeux de pleurer. Ils ne lui obéissaient pas ils pleuraient, pleuraient, coulaient, ruisselaient comme deux petites rivières. Elles dévalaient jusqu’à la commissure de ses lèvres charnues puis se rejoignaient à la pointe de son menton légèrement en galoche. Ensuite les gouttes tombaient au sol et se mêlaient au sang de Roman pour former une petite flaque rouge sombre qui allait s’éclaircissant comme si les larmes pouvaient dissoudre le sang, laver la brutalité, la violence, laver l’horreur. De cette flaque minuscule épaisse et collante naitrait un océan tumultueux nourri d’amertume et de colère. Alors une vague gigantesque se formerait, un tsunami qui emporterait les dirigeants de ce Monde et tous les pouvoirs pour les noyer dans un gigantesque trou, un abîme sans fond, infini. Il les avalerait et les recracherait au cœur du cosmos où ils seraient dissous dans le creuset des étoiles. Pour finir les larmes rosées noieraient la Terre, laveraient tous les hommes, toutes les femmes et leur confieraient l’oubli. Le visage de Lilia si jeune malgré la saleté et encadré de boucles blondes évoquait l’innocence, la naïveté mais que peuvent les larmes d’une enfant face aux misères humaines, à la danse des scélérats.
- Maman qu’allons-nous devenir ?
- Je ne sais pas Lilia, d’abord nous allons sortir, il le faut.
- Et après maman à quoi bon, pourquoi faire ? Dehors tout est détruit, notre ville n’existe plus. Les monstres l’ont englouti.
- Nous partirons, nous trouverons un endroit où nous pourrons nous reposer et avoir une vie à nous. Tu grandiras, tu vivras...
Brutalement Lilia repoussa sa mère et se leva comme mue par un ressort puissant. Le visage inondé de larmes elle se mit à hurler, à bout de nerfs :
- Mais qu’est-ce que tu racontes ? Tu mens encore, tu mens toujours, tu as toujours menti. Tu crois que c’est ça que je veux entendre, des mensonges ! Nous vivons dans un pays en guerre il n’y a plus de place pour nous, nous sommes déjà dans notre tombe. Nous sommes enterrés vivants et tu dis que nous allons vivre. Mais je ne veux pas vivre moi ! Je ne veux pas vivre comme ça ! Je n’ai rien à faire dans ce monde. Dans ce monde les hommes sont des bouchers, ils ne pensent qu’à tuer, à faire le mal et détruire, détruire, détruire (dans un paroxysme vocal) et nous ? Nous ! Nous ne faisons rien, RIEN...Abattue elle termina dans un murmure, nous sommes si faibles !
Ses dernières paroles furent comme un déclic un aveu et elle se précipita en courant vers le tunnel. Une peur panique intense s’était emparée de son esprit. Elle ne se contrôlait plus. On pouvait se rendre compte que dans sa courte vie, finalement, tout était structuré autour de la peur. Une peur parfois enfouie mais toujours présente. Le monde malsain dans lequel évoluait la jeune fille, son frère, sa mère, toutes les femmes et tous les hommes lui avait sauté à la gorge. Toutes ces guerres, ces bombes, ces meurtres organisés à une échelle immense...Le corps de son jeune frère innocent était la dernière goutte de l’insupportable. Lilia n’avait pas même eu le temps de vaciller. En une fraction de seconde des lames de folie et de dégoût l’avait emportée. La bouche de Roman s’était ouverte comme un puits immense et avait vomi sur elle toutes les souffrances qu’elle refoulait du mieux qu’elle le pouvait. Il y avait un océan de terreur et de colère qui bouillonnait en elle et elle ne le savait pas. Trop c’était trop ! Elle avait dépassé le palier au-delà duquel on peut encore se battre, se révolter. Elle ne voyait qu’une issue l’oubli par l’anéantissement, pour ne plus souffrir ce monde qui l’horrifiait.
Kalyna le visage hâve et d’un blanc de craie cria.
- Lilia non !
Ce fut Larysa qui réagit le plus vite. Vitali était anéanti, hébété, sa tête lui faisait mal, sa force ne lui servait à rien. Pire il considérait sa puissance, ses muscles qui étaient sa fierté avec dégoût. Il se voyait comme un homme et cela lui faisait peur. Un homme capable des pires exactions. Il resta cloué au sol alors que Larysa se précipitait à la suite de Lilia et que Kalyna s‘effondrait. Lilia s’engagea en courant dans le tunnel, trébuchant sur les gravats, se cognant la tête et les épaules, s’écorchant les mollets et les bras sur les pierres affleurantes. Elle n’avait fait que quelques mètres dans le boyau noir qu’elle chuta lourdement. Sa tête percuta alors une pierre avec une violence qui emporta ses perceptions de l’espace et du temps. Larysa n’avait pas eu le temps de prendre une frontale. Elle sortit un briquet avança et aperçut le corps de la jeune fille désarticulé au sol. Lentement elle s’approcha, la retourna et, soulagée, constata malgré l’énorme bosse qui commençait à prendre forme que Lilia respirait elle, la petite fille au bout du chemin.
Propergol : La petite fille au bout du chemin :
https://www.youtube.com/watch?v=p839X6Mb5Hk