Continuer ou arrêter, statu quo ou transition, telles étaient les possibilités qui s'offraient à Slayer, et à son duo restant, depuis la disparition de Jeff Hanneman. Le choix d’un remplaçant, Gary Holt, du vivant du guitariste blond et les certitudes de Kerry King après l'annonce du décès indiquaient tout d'abord, en dépit des doutes premiers de Tom Araya, la volonté de ne pas mettre un terme au groupe trentenaire. Point plus délicat, l'absence d’Hanneman, compositeur principal de la plupart des classiques de Slayer, pouvait-elle être comblée ? En d'autre terme, leur musique n'allait-elle pas perdre de sa substance sachant que l'une des forces de la paire formée par Hanneman et King était leur complémentarité. Moins probable, mais sous-jacente, était enfin l'évolution, du moins la direction, que prendrait Slayer compte tenu de la position dominante de Kerry King au titre de seul auteur. Autant de questions existentielles qui n'appelaient pas forcément de réponses immédiates avant l'annonce de la sortie (maintes fois repoussée) de Repentless, leur onzième album et premier signé sur le label allemand Nuclear Blast (après quasiment trois décennies passées chez American Recording), le 11 septembre dernier, soit la même date que... celle de God Hates Us All... en 2001 (mais n'allons pas trop vite).
Album du deuxième retour du batteur Paul Bostaph suite au renvoi médiatisé de Dave Lombardo, et premier disque avec le guitariste d'Exodus, l'écoute de Repentless inspirait autant une certaine crainte, le contractuel World Painted Blood sorti six années plus tôt n'ayant pas laissé un souvenir mémorable (doux euphémisme), qu'elle pouvait susciter une curiosité plus ou moins malsaine pour l'auditeur (et le préposé docteur) du fait des précédentes interrogations.
Autant l'avouer sans plus attendre, ce Repentless longtemps muri (les premières compositions furent écrites en 2011 tandis que l'ébauche de Piano Wire, seul titre crédité à Hanneman, date de WPB) est dans son ensemble un bon disque à défaut de surprendre (1/ Slayer n'est pas réputé pour sa prise de risque et 2/ en connaissant a minima la personnalité de King, le contraire aurait été très étonnant). Slayer fait du Slayer. Discipliné, appliqué, suffisamment inspiré, King rend une copie solide ; mieux, les compositions sont débarrassées du revival 80’s qui handicapaient les deux derniers opus. Plus direct à l'image du tonitruant morceau éponyme (fort d'un clip bien gore), l'album évoque un GHUA moins hardcore et moins linéaire. Faut-il y voir un Effet Bostaph ? Qu'importe. Le batteur à l'image de ses collègues fait le travail, le poids des années lui apportant un groove inédit. Quant à l'apport de Gary Holt, son rôle de doublure ou d'intérimaire ne lui permet pas de toute façon de s'épanouir tel qu'il le ferait chez Exodus.
Balayant dans les grandes lignes l'abécédaire Slayerien passé, entre titres heavy (Vices), ultra rapides (Take Control, Atrocity Vendor) ou « mid-tempo mélodiques » (When the Stillness Comes) (3), Repentless est donc un disque qui, dans son contexte, n'avait pas vocation à changer la donne. Rétro sans être foncièrement nostalgique ou caricatural, le contrat est rempli et permet à la formation de rempiler pour une nouvelle tournée mondiale. Que demander de plus finalement de la part d'un groupe de quinquas ?
http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2015/10/cronico-ristretto-repentless-slayer-2015.html