Le premier single qu'***Human League*** enregistre pour *Virgin* sera complètement renié par le groupe au point de ne pas figurer sur leur premier album et de l'avoir sorti sous le pseudonyme de ***The Men***. En effet, **I Don't Depend on You** n'a que peu à voir avec ce qu'ils produisent à l'époque. Obligés de faire du fric pour justifier leur contrat avec la major, ils nous offrent un titre Disco moyennement inspiré, joué avec des instruments conventionnels mais qui, déjà fourni en chœurs féminins, ne sera pas sans nous rappeler leur future formation MK2 à majorité féminine dès 1981. Le morceau échouera dans les charts, tout comme le seul single officiel sorti pour **Reproduction**.
Empire State Human et ses « Tall, tall, Tall, i wanna be tall, tall, tall », ne fédérera pas non plus les masses. Quasi minimaliste avec ses (minimum) cinq pistes composées rien que d'instruments électroniques, sa forme couplet/refrain et ses effets expérimentaux apparaissant de temps à autre, il ne lancera pas l'album mais sera tout à fait à son image (et je ne dis pas ça pour leur absence de succès commun.
Pour moi, Reproduction est clairement une réussite. Bien sûr, il inspirera la Synthpop qui viendra plus tard, notamment Depeche Mode et OMD qui s'inscrivent dans la continuité du mouvement dont la base est Kraftwerk (mais aussi Yellow Magic Orchestra ou Jean Michel Jarre et Space en France), mais on ne peut pas nier entendre aussi leurs pattes dans la musique actuelle, même chez des grands noms indépendants comme St Vincent ou La Roux .
Leur style oscille donc entre électro industrielle, ambiances expérimentales comme on peut l'imaginer pour l'époque (Wouaw ! C'est dingue les sons zarbis et planants qu'on arrive à produire avec ses machines ! Venez ! On les fout dans le morceau !) punk (notons que le co-producteur Colin Thurston a travaillé sur le Lust for Life d'Iggy) et pop façon Talking Heads, dans la manière dont Oakley chante faux en sonnant parfaitement juste, de livrer des refrains tout à fait original et extravagants ! Écoutez-moi ce Almost Medieval.
Même si les sons peuvent paraître datés, voir usés... avez-vous déjà entendu ça avant ? Cette manière d'utiliser leurs claviers comme un orgue pour gagner en puissance et sonner dark, ces difficultés vocales sur les notes les plus hautes, cette production archaïque qui offre des passages que plus personnes oseraient de nos jours. Ce Reproduction est grandiose dans sa fragilité, il ne joue pas une seule fausse note pour l'époque alors qu'il avait tout pour.
Outre les tubes potentiels qui auraient pu remplacer Empire Human State (Blind Youth est aussi très bon), on trouve aussi de magnifiques ballades électriques, plus contemplatives, avançant lentement dans un univers mystérieux de science-fiction, rythmé par les pas de la boîte à rythme, comme sur Circus of Death, ou The World Before Last. Les paroles sont teintées de conscience politique, certaines critiques parlant de « Marxisme et de la pop » mais n'oublions pas, comme le rappelle Simon Reynolds dans son ouvrage Rip it up and Start Again que le groupe est né à Sheffield, une ville sidérurgique, ce qui explique en partie l'aspect de leur musique, aussi bien dans son sens que dans son son.
Sur sa fin, l'album se veut encore plus aventureux avec la longue plage de neuf minutes Morale... You've Lost That Loving Feeling où Oakley se veut plus posé, susurrant l'Amour (non sérieux, Dave Gahan et Depeche Mode doivent beaucoup à ce groupe) sur une musique principalement atmosphérique (cover d'un titre de The Righteous Brothers). La piste Zero as Limit qui conclut Reproduction vaut également le coup d'oreille pour sa façon de s'amuser avec le pitcher/la vitesse du morceau.
Human League nous livre ici un classique, il faut dire qu'ils ont eu le temps de le peaufiner ! Album peu connu que l'on se doit d'écouter car il s'agit sans doute d'un des premiers où l'humain se mit à chanter, seul avec les machines. Une base.
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