Radio
Bon, comme je m'y attendais, l'album se paye une sale note. Bon, bin c'est reparti comme d'hab, alors. Je vais toutefois commencer par être d'accord avec vous sur un point : y a publicité mensongère...
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le 3 oct. 2016
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Après quatre longues années d’absences, Green Day devait revenir en force en cette fin d’année 2016 avec un nouvel album censé être le compromis idéal entre leurs débuts survoltés et l’assagissement qui a suivi.
Avant de rentrer immédiatement dans le vif du sujet et de juger de la qualité intrinsèque de ce Revolution Radio, une remise dans le contexte s’impose de prime abord. En effet, il convient de mettre en lumière la gestation plutôt difficile ainsi que la production (beaucoup plus aisée) de cet album.
Fondu en noir, flashback : nous sommes alors en 2012, et Green Day s’apprête à sortir trois albums concepts ne formant qu’un, la fameuse trilogie Uno, Dos, Tré. Idée de génie pour les uns, aberration pour les autres (pour ma part, j’y suis resté plutôt hermétique car il y avait un véritable péché par orgueil totalement inutile), la trilogie a divisé les fans et la critique.
Au final, ce ne fut qu’un pétard mouillé tant ce « triple album » n’était composé que d’une succession ininterrompue de chansons sans âme, aux paroles franchement limites pour certaines : à force de vouloir trop en faire, on entre dans une spirale infernale et on finit par faire n’importe quoi.
Ajoutons à cela un moment de TV historique direct devant des millions de téléspectateurs (coucou le iHeart Festival) où Billie Joe Armstrong pète littéralement un plomb, se met à insulter le public et nous gratifie d’un rage quit tout en ayant détruit au préalable sa guitare en parfaite réincarnation de son idole Pete Townshend. On apprendra plus tard que le cocktail alcool + antidépresseurs n’est pas des plus efficaces et que cela se termine toujours, pour Billie Joe en tout cas, par la case cure de désintox. Si l’on rajoute à cela la survenance de deux cancers dans l’entourage du groupe, tout le monde aurait pu s’attendre à ce que Green Day finisse par imploser et disparaisse dans les méandres du rock. (J’en connais pas mal qui auraient été ravis de ça en tout cas).
Pourtant, tel le phoenix de Dumbledore, Green Day is back. La descente aux enfers étant aujourd’hui derrière eux, et après une intronisation Rock’n’ Roll Hall Of Fame suivie de sessions de studios quotidiennes pour retrouver la main, le trio d’Oakland avait à cœur de se remettre à l’ouvrage et de proposer quelque chose qui leur ressemble personnellement.
Avec Revolution Radio, le groupe a décidé d’écarter (symboliquement) leur producteur de toujours Rob Cavallo et de faire cavalier seul. Sur ce point, je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose, car j’ai toujours considéré le Rob comme un Yes Man qui n’était pas le plus à même de faire sortir le groupe de ses retranchements. Il a toujours été assez (trop ?) permissif et offrait une marge de manœuvre qui pouvait conduire au meilleur (American Idiot) comme au pire (Uno, Dos, Tré). A titre de comparaison, Butch Vig a tenté de nouvelles choses même si le résultat escompté était assez décevant in fine (cf 21st Century Breakdown).
Green Day a ainsi autoproduit Revolution Radio, une première depuis 1992 et Kerplunk. On était donc en droit d’attendre quelque chose de brut, décomplexé, mais surtout de férocement créatif. Libéré de tout joug productif, et avec une main mise sur le son final à donner à cet album, tout espoir était permis.
Concernant l’aspect lyrics, le terreau d’inspiration était même particulièrement fertile pour Billie Joe Armstrong puisqu’on peut dire que la période actuelle offre matière à moudre : émeutes raciales aux Etats-Unis et climat tendu avec les bavures policières et la montée de Donald Trump dans les sondages, tueries de masses dans les écoles et lieux publics, et d’un point de vue plus personnel, cures de désintoxication, crises de la quarantaine et réminiscences adolescentes, craintes pour le monde de demain. Bref, nous vivons sans conteste dans une société assez décadente, d’où le « Troubled Times » qui prend tout son sens au sein de l’album.
Musicalement parlant, Green Day pouvait aussi se permettre de nouvelles choses : il ne faut pas oublier que le groupe a toujours cultivé un certain éclectisme en puisant dans divers styles musicaux pour définir le sien : punk-pop (Dookie), punk-rock (Insomniac), rock (Nimrod), folk-rock (Warning), punk-rock alternatif (American Idiot), power-pop rock (21st Century Breakdown), garage-rock (Uno, Dos, Tré)… On peut leur reprocher beaucoup de choses, mais considérer Green Day comme un groupe incapable de sortir de sa zone de confort serait faire preuve de mauvaise foi (ou de méconnaissance totale du sujet, du moins de raccourcis embarrassants). Tout cela sans se soucier un instant de dérouter leurs fans. Après tout, punk c’est un état d’esprit plus qu’un style musical.
Le final est… décevant, sans être terrible. Tout n’est pas à jeter, n’en déplaise à toutes ces critiques autoproclamées du bon goût musical qui s’époumonent sur le néant abyssal de tout intérêt pour le trio depuis American Idiot (les plus fervents détracteurs remonteront même à Kerplunk voire Dookie pour ne pas paraître trop exigeant).
Parlons dès le début des choses qui fâchent : cet album souffre d’un manque évident de créativité musicale. On a beau nous le vendre comme un melting-pot des différentes influences de Green Day, le résultat final peut sembler inconsistant et maigre quant aux attentes espérées.
Car s’il y a bien quelque chose que ce Revolution Radio reflète, c’est un certain manque d’audace. Ne sachant pas sur quel pied danser, l’album se contente de brasser plusieurs choses à la fois, en priant pour un miracle qui ne viendra finalement pas. Les chansons ne formant pas un ensemble cohérent et homogène, il convient alors de s’atteler à une étude plus minutieuse :
Somewhere Now (à coupler avec Forever Now) : dès le début de l’album, on se retrouve face à une résurgence d’American Idiot et à ses airs d’opera rock, tout en lorgnant plus sérieusement vers un ripoff des Who et de leur dantesque « A Quick One While He's Away ». On sent un mastering qui n’est pas parfaitement au point, mais ce n’est pas franchement dégueulasse, et on peut espérer des trucs bien sympathiques à venir.
Bang Bang : directement inspiré par les mass shooters américains, les paroles sont ambitieuses et dérangeantes. Côté musique, c’est la chanson la plus énergique et la plus rock de l’album, avec un bridge délicieux à souhait. Ça reste relativement bien calibré (ok le riff rappelle Territorial Pissings de Nirvana), même si la mélodie n'accroche pas à l'oreille dès la première écoute. En ouverture de concert, son côté brut de décoffrage doit être excellent pour démarrer un show tambour battant.
Revolution Radio : avec des paroles elles-aussi partiuclièrement dures et centrées sur les manifestations et marches de protestation Black Lives Matter, le refrain est vraiment pas mal. Pente ascendante de l'album.
Say Goodbye : la première chanson qui marque vraiment l’esprit tant elle est éloignée de ce que Green Day a pu faire jusqu’à présent. Le son est difficilement catégorisable, même si on voit une forte prédominance au rock alternatif actuel, avec des drums bien mainstreams. La chanson, répétitive au demeurant, est intéressante, avec un début qui fait penser à une marche militaire (un peu à la manière de Horseshoes & Handgrenades). Un des highlights de l'album, ça aurait mérité un petit solo bien lourd dans l'outro, mais on se contentera de ça.
Outlaws : première sortie de route mal négociée. Les paroles étaient pourtant prometteuses, en surfant sur la nostalgie des débuts et le temps qui passe, mais la chanson pêche d’un point de vue musical, alternant couplets-ballades peu inventifs avec des refrains très standards. Dommage (surtout que le bridge était sympa).
Bouncing Off The Wall : petit coup de cœur pour cette chanson car elle correspond à ce que j’aurais souhaité entendre dans la trilogie : un son bien roots et énergique, mais avec des amplis de guitare n’ayant pas hésité à mettre le potard de la disto sur 11. La chanson la plus rock’n’ roll de l’album, de très bonne facture (encore ici, il manque un solo pour enrober le tout, Billie Joe où est passé l'époque de The Judge's Daughter ?).
Still Breathing : faisant suite à Boulevard Of Broken Dreams ou 21 Guns, c’est la chanson la plus « commerciale » de l’album, celle destinée à faire vendre. Les paroles sont assez belles puisqu'elles traitent directement du combat mené par le chanteur du groupe durant la cure de désintox et son revival actuel. La seule chose qu'on peut reprocher est son côté vraiment trop soigné, le mastering a enlevé toute aspérité et c'est vraiment bizarre sur celle-là car la chanson comme tous les groupes qui ont toujours copié Green Day sans faire du Green Day. C’est dur à expliquer, mais j’ai vraiment tété surpris par les premières écoutes, tant j’étais convaincu que ce n’était pas du Green Day. Elle se bonifie avec le temps heureusement (malgré le côté aseptisé), et en live elle rend vraiment bien (des vidéos sont déjà disponibles sur YouTube si vous voulez vous faire une idée).
Youngblood : on entre ici dans la deuxième partie de l’album, clairement de moins bonne facture. Tout sent le remplissage par défaut, les accords sont poussifs et le chant peu inspiré. Ici, une chanson sur la femme de Billie Joe Armstrong (encore une, ouais je sais hahaha). Oubliable.
Too Dumb To Die : ça sonne comme du vieux Green Day période Nimrod, mais la comparaison s’arrête là, c’est pas transcendant. Les paroles... m'ouais.
Troubled Times : la décadence continue alors qu’on aurait pu avoir un truc intéressant ici, à l’heure de tirer un bilan sur la société dans lequel nous évoluions aujourdh’ui. Le côté corrosif d’American Idiot a laissé place à un fatalisme presque lassant, où le cynisme côtoie l’apathie et la résignation. On gâche du potentiel, c’est vraiment dommage, le son est trop propre, pas assez énervé. Encore une déception.
Forever Now : cherchant un titre épique pour conclure l'album, à la manière d'un Homecoming ou d'American Eulogy, la comparaison peut faire mal pour Forever Now. Pourtant, au bout de plusieurs écoutes, le résultat est plutôt intéressant. Si la première partie rappelle trop Letterbomb, la mélodie de la deuxième partie de la chanson reste bien dans la tête, tandis que le climax chanté en canon, achève un triptyque qui vient relever la barre après un Dirty Rotten Bastards qui avait déçu sur l'album précédent.
Ordinary World : symbole ultime de la chanson mise ici parce qu’il n’y avait rien d’autre en stock, Ordinary World n’était même pas une chanson de Green Day au départ puisqu’elle a été écrite par Billie Joe Armstrong pour un film qu’il a tourné récemment (qui s’appelait Geezer et qui a été rebaptisé en… « Ordinary World », ça s’invente pas). Les paroles sont un peu faciles, et n’échappent pas à une certaine médiocrité (même si le terme est fort). Les arrangements sont très dépouillés mais cela ne sert pas vraiment la chanson. En termes de ballade, on nous a habitués à mieux, entre Good Riddance, Macy’s Day Parade, ou encore When It’s Time. Ordinary World se classe dans les oubliables.
Le bilan est donc mitigé (c'est la phrase que je ressors dans toutes mes critiques, I know). L’album semble partir sur des bases solides mais se délite peu à peu, laissant place à des chansons sans saveur. On aurait préféré un EP avec 5 chansons au lieu d’éviter un effet superfétatoire donné par l’agencement final de Revolution Radio. En conclusion, cet album est en partie intéressant, en partie oubliable. Pas une révolution, donc.
À écouter : Bang Bang, Revolution Radio, Say Goodbye, Bouncing Off The Wall, Still Breathing, Forever Now (d'où le 6/10, converti depuis en 7/10, parce qu'on est quand même dans du bon par rapport aux autres albums pop-punk de cette année).
LE POP-PUNK EN 2016 #1
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le 28 sept. 2016
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