Le problème de Dick Rivers, outre le fait d'être toujours passé après Johnny et Eddy Mitchell dans l'affection portée par nos parents beaufs, c'est que comme ces deux pré-cités, il a vécu une bonne partie de sa carrière à jouer un rôle, celui d'Elvis, dont il était fan comme beaucoup à ses débuts. De cette schizophrénie, il reste quelques stigmates; tout d'abord, cette manie de se teindre les cheveux en noir, pour rester "L'homme sans âge" qu'il décrivait dans son précédent album. Aussi, on a l'impression que le crooner n'a pas réellement vécu tout ce qu'il décrit dans ses paroles, surtout ceux se déroulant dans le Grand-Est.
Mais pardonnons lui cela, car depuis "L'homme sans âge" justement, j'ai redécouvert l'artiste. C'est con de dire ça vu son âge d'ailleurs, mais j'ai l'impression que musicalement parlant, il a enfin atteint la maturité. Ce précédent album était sombre, mélancolique, accompagné d'arrangement blues qui, avec la voix grave de Dick fonctionnait pleinement et nous nous laissions prendre. Ici, il nous refait le coup du désenchantement mais sur un rythme et des prods plus rock'n roll, plus folk, voir même parfois enjoué, sur des airs de banjos endiablés ou de riffs électriques dont l'énergie étant tout simplement inattendu, m'a prise par surprise. Il m'est arrivé plusieurs fois de secouer la tête, voir même de danser sur ce "Rivers".
Tous les titres ne sont pas au même niveau, quand le rockeur se fait plus calme, balançant quelques ballades, les compositions sont un peu en dessous, ce qui est dommage puisqu'il avait prouvé avec son précédent, gérer dans ce domaine. On pourrait aussi lui reprocher d'utiliser quelques artifices pour amplifier sa voix, comme ces choeurs féminins sur plusieurs refrains; mais on ne l'avait pas reproché au dernier Leonard Cohen, donc ne le faisons pas pour lui: il a réussi à faire mieux qu'un américain dans son propre domaine, et pour ça, chapeau.
J'ai toujours aimé Elvis dans sa fin de carrière pour le côté dépressif de sa voix et ses compositions tristes et belles, il en sera donc de même pour Dick Rivers, qui mûri d'album en album, comme un bon vieux vin. N'aillez pas de préjugés et comme moi, laissez-lui une chance!