Les artistes qui ne souhaitent pas se répéter ont du mérite. S’enfermer dans une formule, c’est se mettre en position de faiblesse face aux critiques, surtout quand les compositions ne peuvent plus maintenir à elles seules l’intérêt d’un disque. Si bien qu’il devient difficile de différencier des sorties qui se suivent et se ressemblent.
En apparence, Mogwai s’est éloigné de ses racines pour embrasser un post-rock de plus en plus introspectif. Préférant les lentes montées et la douceur aux assauts soniques de leurs guitares. Néanmoins, tout cela est faux. Les Écossais n’ont jamais changé. Leur musique minimaliste reposait sur quelques accords qui s’embrayaient au bout des longues minutes pour se terminer dans un vacarme de tous les diables. Parfois, ils délaissaient la violence pour écrire des pièces lentes et mélancoliques dont le mignonnet (mais vite lassant) « Take Me Somewhere Nice » qu’on retrouve sur ce 3ème travail studio.
Rock Action n’est pas seulement la confirmation que cette troupe affirme son envie de s’aventurer sur des terrains plus sages, c’est également un des signes avant-coureurs de l’appauvrissement du post-rock. Le bug de l’an 2000 avait bel et bien touché la musique et plus particulièrement celle qui contient un combo basse/guitare/batterie. Tout ce qui était "post" semblait condamner à suivre un chemin similaire au rock progressif : devenir une caricature de lui-même en alignant des sorties toutes plus rébarbatives les unes que les autres.
On n’en est toutefois pas encore là. Mogwai se contente de modifier son apparence, puisque sentant le vent tourner. Production léchée, arrangements acoustiques et sonorités électroniques discrètes… Ils ont mis le paquet pour mettre en exergue leur caractère introverti. A vrai dire, tous ces aspects révèlent leur intérêt uniquement quand le groupe fait parler la poudre (« Sine Wave »). La densité de leurs arrangements mêlés à la puissance de leurs guitares faisant grand effet. Il devient compliqué de ne pas mégoter sur les titres les plus dépouillés dont la pauvreté est flagrante.
Car en dépit de ses indéniables longueurs, Come On Die Young ne laissait pas vraiment sur sa faim. C’est pourtant ce qui se passe avec Rock Action. Soit parce que certains morceaux ont acquis une force de persuasion plus importance grâce à la scène (« You Don't Know Jesus ») ou bien parce que d’autres compositions s’attardent dans le registre du slowcore. Domaine où il est très difficile de ne pas confondre épure et indigence (« Dial: Revenge » n’est même pas sauvé par la performance de Gruff Rhys, le chanteur des Super Furry Animals).
En vérité, cette bande se répète et parfois mal (« Take Me Somewhere Nice » n’est qu’une déclinaison de « Cody » et peine à soulever le moindre enthousiasme). La variété des titres proposés dissimulant souvent l’absence d’une réelle direction à suivre. D’ailleurs, pourquoi nous imposer deux fois une outro (les pistes 3 et 6) ? Néanmoins, l’écoute de « 2 Rights Make 1 Wrong » laisse entrevoir à quel point le groupe peut être bon quand il veut. Il y a une atmosphère et des instruments inhabituels dans leur giron (comme ce sympathique banjo), d’accord. Mais c’est surtout un morceau intense nous rappelant pourquoi ils sont au-dessus de la moyenne dans un genre qui aura trop souvent mis l’ambiance en avant au détriment des compositions.
Hélas, Rock Action ne possède pas seulement un intitulé mensonger, il n’est qu’une honnête bande-son pour des soirées en solitaire. Même quand on est meilleurs que les autres dans ce domaine, on sera toujours limité par cette démarche consistant à laisser ses auditeurs y injecter ses sentiments volatiles dans une telle musique. Hasardeux vous avez dit ? Oui et Mogwai commence justement à jouer un peu trop avec le pas grand-chose pour véritablement faire mouche. Ce n'est pas faute de faire croire à un renouvellement (qui n'est finalement que de façade). Surtout quand il s'agit de détourner l'attention sur une écriture devenant de plus en plus banale.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.