Le piano punché ouvre cet album plein de promesses et d'attentes. Après le somptueux, romantique, et musclé Turn of the Cards, qu'allait bien pouvoir faire Renaissance? Qu'y-a-t-il après la perfection ?
On l'atteint presque encore une fois mais mais...revenons à notre début avec un “Trip to the fair” ensorcelant . Oui musicalement on est dans un parc d'attractions et la joie qui s'en dégage est parfaite, dans une ouverture solennelle. Très bon et on mange notre barbe à papa avec délectation.
Le deuxième morceau est le morceau parfait de l'album: The Vultures Fly High. Un morceau sur les critiques de musique, ces vautours qui volent haut. Encore le piano saccadé et une basse d'enfer glissante comme le vol des vautours ouvrent magistralement le morceau. la voix d'Annie s'élève vers les cieux, elle tournoie, virevolte et plonge vers les notes hautes avec la grâce des magnifiques ailes qui la caractérisent. Un régal....Prends ma main car je tombe...
Avec la “Bohème de L'Océan” Renaissance nous donne peut-être la plus belle chanson douce de toute sa carrière. On voit le palais arabe, les voiles dansants au vent, l'or des coupes de vin, la lune pleine, les coussins et le sultan. le mellotron qui ouvre la chanson installe un climat magique, la basse se fait douce et enjôleuse , les drums discrets, la guitare acoustique de Dunford est lancinante et pénétrante mais c'est encore la voix de la princesse Annie qui nous émerveille...Il faut entendre comment elle chante le dernier “Turn to gold” comment celui-ci s'élève et dure dans une douceur infinie, pour mille nuits... D'ailleurs tout le dernier paragraphe chanté est vraiment avec une pureté incroyable, oui l'océan pleure pour elle et nous aussi...Pleure de joie...il s, agit d'une rencontre amoureuse finalement....
Ce premier côté parfait s'achève ainsi.... Et sur des cuivres majestueux s'ouvrent le deuxième, ceux-ci nous plongent dans l'univers des palais, du sultan et de l'urgence de Shéhérazade . Une première faiblesse des orchestrations (à peine 30 secondes) juste avant les premiers chants vite rattrapée par la chorale de Renaissance. Malheureusement c'est la voix de John Camp qui s'élève, c'est pas qu'elle soit mauvaise, mais on ne remplace pas la princesse Annie et dès que la voix de celle-ci se superpose à la sienne, la chanson est sauvée. Les orchestrations ici sont subtiles et ne font qu'enjoliver les propos musicaux du groupe. C'est là , pour certains la grande faiblesse de la suite, mais ici le propos demande de l'économie car on aurait pu tomber dans le grandiloquent mashmallow à la Wakeman facilement. L'utilisation de la flute traversière, sobre, est jolie et la profondeur des violons est magnifique à la fin de la chanson......se terminant par une montée de piano si délicate qu'elle est un cours de sobriété et d'efficacité. Puis il s'envole à nouveau, ce divin piano de John Tout . On dira jamais assez à quel point Tout est le maître incontesté du prog en matière de piano. C'est le meilleur point final. Il permet à l'orchestre de s'introduire à nouveau et de planer avec lui avec lui jusqu'à la fin de la chanson. C'est magnifique.
Et cela nous mène à la plus belle chanson de la suite, celle qui donne le grand frisson : “ Le jeune Prince et la princesse racontée par Shéhérazade”...le piano éteint doucement la dernière chanson et introduit la voix bouleversante de la princesse Annie...elle couvre les noirceurs de l'histoire avec sa déclaration d'amour et “elle force le vent à souffler pour mille et un jours différent, remplir son jardin des parfums de l'amour” une tapisserie de désirs mis en musique et chantée divinement. L'orchestre grandit sur la douceur initiale puis se retire pour laisser Annie voler sur les dernières notes de la chanson. On comprend pourquoi la femme fut inventée.
Arrive la fin de la suite avec les : “ Préparations pour le Festival, la Fugue du Sultan, le Festival et la Finale”. On sent dans le premier morceau les influences de Ravel et de son Boléro mais tout cela est ficelé habilement et les orchestrations parallèles sont riches, les voix qui rient surprenantes pour quelques secondes. C'est bon mais un peu long , on sent pour la première fois que Renaissance étire un peu , malgré la forte inspiration. Quand la montée se calme, le hautbois (ou est-ce la flute ?) reprend le contrôle du morceau avec inspiration. Tout le groupe travaille dans la douceur. Joli.
Et encore ce piano fulgurant, inspiré qui attaque à la Russe le morceau suivant. Ça c'est très fort comme ouverture, appuyée par les cordes défilent alors tout l'Orient. C'est la Fugue du Sultan. Mais quand l'orchestre se fait plus insistant , encore une fois malgré son inspiration, le morceau faiblit un peu. Alors tout est sauvé par le xylophone et le nouveau rythme c'est Le Festival et là le phrasé d'Annie Haslam, jumelé au rythme des fêtes, est magique ! Cela respire les caravanes au loin qui arrivent aux palais et tout l'empire est en fête. L'histoire de Shéhérazade commence, elle a captivé le sultan et n'aura pas la tête tranchée....On s'élève vers une finale grandiose mais pas pompeuse. Un crescendo que certains trouvent facile mais tous les crescendos le sont . Celui-ci sen tire assez bien.
Renaissance a réussi à tirer l'or d'un projet ambitieux voire infaisable. Nous avons été plongé au cœur de l'histoire et de la musique de façon magnifique. La perfection n'est peut-être pas atteinte mais notre vie et nos oreilles sont sauvées et heureuses comme le sultan et son nouvel amour