Gorillaz, De La Soul, Kaytranada, Mac Miller, Flume. Autant d’artistes qui au cours des deux dernières années ont accueilli Little Dragon en featuring sur leurs albums respectifs. Un groupe aux multiples collaborations, qui avouait il y a peu à Dazed Magazine devoir se battre pour ne pas être «le groupe qui ne fait que des collaborations».
Mais ce serait omettre que Season High est le cinquième album studio du groupe, ce serait omettre leur performance sur Nabuma Rubberband, leur quatrième album sorti en 2014. Ce serait omettre que Little Dragon fait parler de lui depuis 10 années pour sa musique, et pas pour ses collaborations. Il est vrai que depuis leur apparition sur le Plastic Beach de Gorillaz, le groupe suédois n’en finit plus d’être sollicité. Tant et si bien que beaucoup doutaient de la sortie de leur cinquième album, Season High, des doutes dont on retrouve des échos récemment, au regard des propos du groupe auprès du Guardian le mois dernier : «Nous avons parfois du mal à finir nos chansons.»
Comme cela doit être ardu de s’immerger dans un album qui n’est pas le sien, dans un univers, une ville, un studio qui ne vous est pas familier. Puis de retourner dans vos habitudes, celles des mêmes visages, du même processus. De fait, comment concevoir un album pour votre propre intérêt, lorsque votre intérêt premier durant des mois entiers est de contribuer à celui des autres ?
C’est en cela que Season High peut s’apparenter à une vitrine. Un travail orfèvrerie taillé pour la scène où les synthétiseurs semblent droits sortis des années 80, ce qui sans se cacher, est la spécialité du groupe. Le single, «High», est certainement le morceau le plus sincère mais arrivant en second dans la tracklist, juste après le seul featuring de l’album (un comble pour ces collaborateurs des plus grands...) : «Celebrate», qui rappelle vulgairement une autre Celebration bien connue, celle de Madonna. «High» donc, sauve ce début d’album, qui tombe finalement dans une succession de morceaux, certes intéressants et disposant d’un certain groove comme sur «Strobe Light» ou «Gravity», mais sans cohérence véritable si ce n’est celle des titres. La mélancolie facile de «Butterflies», le sucre mielleux de «Sweet», l’amphétamine de «Push» ou le voyage interstellaire de «Gravity». Autant de morceaux qui prouvent que Little Dragon est un groupe honorable, qui a su cultiver sa signature : des titres rétro-punchy portés par la voix épatante de Yukimi Nagano et les percussions magistrales du batteur Erik Bodin. Mais la recette s’est essoufflée et, comme sur le magnifique «Drawn» de l’album And the Anonymous Nobody de De La Soul, n’est plus bonne qu’à figurer sur, ou plutôt transfigurer, un album grâce à un featuring électronique inspiré et nostalgique. Mais certainement plus pour remplir des dix titres tous les trois ans.
Car il est de notoriété que les artistes cités précédemment ont justement convié le groupe sur les featurings en question dans le but d’apporter une touche rétro à leur propos, en faire un single, ou un voyage dans un album où se rencontre des influences. C’est encore ce que Little Dragon fait de mieux, apporter ses influences à d’autres, et non plus influencer les autres.